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AN H TO M, K622 / Mié Coquempot

Propos recueillis par Wilson Le Personnic

Publié le 17 juillet 2020

Figure singulière de la danse française, Mié Coquempot a développé pendant plus de vingt ans une écriture chorégraphique pluridisciplinaire, toujours pensée en lien avec la musique et les arts visuels. A la suite à son décès en octobre 2019, la question de la conservation et transmission de son répertoire s’est imposée pour les membres de sa compagnie K622. De ces réflexions est né AN H TO M, un programme inédit qui réunit six pièces issues d’un large répertoire de plus de trente opus. Ce projet ambitieux, porté et imaginé par une équipe de fidèles collaborateurs, rend compte de la richesse et de la singularité du travail de Mié Coquempot. Cette entretien croisé donne la parole à celles et ceux qui ont mené la conduite artistique de ce programme : les interprètes Vinciane Gombrowicz, Maud Pizon et Jérôme Andrieu, ainsi que l’administratrice de la compagnie K622 Lucie Mollier.

Jérôme Andrieu, Vinciane Gombrowicz, Maud Pizon, vous avez été chacun-e interprète pour Mié Coquempot et vous avez participé à la « conduite artistique » du projet an H to B. Pouvez-vous revenir chacun sur votre rencontre avec Mié et votre parcours au sein de la compagnie ?

Jérôme Andrieu : J’ai rencontré Mié au Centre Chorégraphique de Tours, alors dirigé par Daniel Larrieu. Elle y travaillait depuis plusieurs saisons, je venais de finir ma formation de danseur au CNSMDP à Paris et trouvais là mon premier emploi. Nous avons eu une sorte de coup de foudre artistique réciproque et nous sommes aussi devenus amis. Mié venait de chorégraphier son premier solo, an H to B en 1997, et envisageait de continuer ce travail de création au sein d’une compagnie. Elle m’a proposé de travailler avec elle et je suis ainsi devenu le premier salarié de K622. Nous avons, d’une certaine façon, commencé cette aventure ensemble, notre complicité ne cessant de se développer, et malgré des points de vue parfois antagonistes, cela a créé une intense dynamique de travail, Mié m’offrant une place d’assistant ou de co-auteur sur certains projets. C’était une femme qui encourageait beaucoup les gens à développer de nouvelles compétences, à « se lancer » ; elle même aimait apprendre et relever de nouveaux défis, de façon assez culottée. Beaucoup des projets auxquels j’ai participé me sont chers. Créer les pièces Trace en 2002 et Rhythm en 2015 avec elle constitue à mes yeux les points d’orgue de notre collaboration. Ce sont deux projets bicéphales aux enjeux plastiques inédits pour nous, impliquant deux compositeurs prestigieux (Ryoji Ikeda et Pierre Henry, que nous avons fabriqués à l’étranger (au Japon et aux USA) avec une très grande frénésie.

Maud Pizon : En sortant de ma formation à Coline à Istres, j’avais écrit à Mié pour faire un stage dans sa compagnie, au moment de la création Bande originale en 2007. En parallèle du stage, je suivais ses cours à la Ménagerie de Verre, et, quelques mois plus tard, elle m’a offert mon premier contrat. Mié avait le courage de faire confiance, elle a souvent donné leur chance à de jeunes danseurs. Se tissaient alors de profonds liens de fidélité, rares sont ses interprètes qui n’ont pas collaboré avec elle sur plusieurs projets, la plupart ont dansé pour elle pendant plusieurs années. Pour ma part, j’ai eu le plaisir de danser plusieurs de ses pièces, pendant plus de dix ans, et plus dernièrement de l’assister, notamment sur Offrande. Durant cette décennie j’ai vu son travail se réinventer sans cesse, aller dans des directions inattendues avec une grande liberté. Malgré une évidente continuité dans son travail, elle m’a souvent surprise dans ses virages artistiques d’un projet à l’autre, qui étaient parfois l’occasion pour elle de lancer de joyeux défis à ses interprètes. Elle attendait souvent le dernier moment pour nous envoyer les dossiers artistiques de ses projets, on pouvait par exemple découvrir seulement trois semaines avant de commencer à répéter que les quinze premières minutes de la pièce pour laquelle on s’étaient engagé seraient dansées dans une combinaison de catwoman, sanglé dans un baudrier d’escalade, suspendu dans le vide à 3m50 de hauteur…

Vinciane Gombrowicz : J’ai rencontré Mié au studio de Peter Goss. Je venais de finir un contrat en Suisse où j’avais séjourné plusieurs mois, et comme à mon habitude dès que je n’étais pas en création ou en période de répétition, j’allais prendre des cours chez Peter Goss. Peter est une personne très importante dans la construction de mon identité gestuelle et l’était également pour Mié. Nous partagions cette histoire de vécu kinesthésique et nous en parlions souvent ensemble. À cette époque là, le studio de Peter était Rue des Petites Écuries à Paris, au-dessus des studios bleus, dans une salle au 3ème étage. Mié, ayant dansé pour la compagnie de Peter Goss, venait souvent prendre ses cours comme la plupart des interprètes qui avaient dansé pour lui. Dans les cours il y avait une véritable émulation. Je me souviens que Mié et moi nous nous observions beaucoup, j’aimais observer sa force tranquille et le rapport qu’elle entretenait avec la gravité. À la fin d’un de ces cours, Mié m’a demandé si j’étais intéressée pour participer à un projet de création. Dans la foulée, nous sommes allées chez elle. À ce moment là, Mié vivait à quelques centaines de mètres Rue du Château d’Eau, dans un petit studio avec des poutres apparentes, très joliment arrangé. Mié m’expliqua alors son parcours et ce qui l’avait motivé à créer sa compagnie, l’association K622 et son premier solo an H to B qu’elle me fit visionner à partir d’une cassette vhs. J’ai de suite apprécié l’écriture très ciselée et le rapport à l’abstraction qui s’en dégageait. Puis, elle m’a expliqué son projet chorégraphique en cours et le processus de création qu’elle avait imaginé et élaboré. J’ai été immédiatement séduite. Il s’agissait de chorégraphier à partir de plusieurs photos prises par les interprètes avec un polaroïd. Cette pièce s’intitulait Color et c’était sa première pièce de groupe, prévue pour quatres interprètes (Jérôme Andrieu, Ken Ossola, Mié et moi-même). Initialement, je ne devais pas faire partie de la pièce, mais Anne Laurent, une magnifique interprète qui dansait également pour Daniel Larrieu, qui finalement n’avait pas pu participer au projet. Mais c’est à partir de ses photos que la gestuelle de mon rôle a été créée. Ce projet était soutenue par Odile Duboc et nous sommes tous partis en août 1999 au CCN de Belfort en résidence de création. Nous logions dans la maison des artistes. C’est à partir de là que Mié a commencé à constituer sa famille artistique. Une grande relation d’amitié s’est développée en parallèle à notre relation de travail. Elle était très généreuse et portait une grande attention à l’autre. J’ai collaboré avec elle en tant qu’interprète sur plusieurs projets, pas forcément de manière chronologique. Du coup, j’ai traversé et pu être témoin de ses différentes périodes de recherche de création. Ce que j’ai toujours admiré en elle, c’était son intégrité artistique vis à vis de l’institution. Elle était capable de déployer une très grande énergie pour réussir à mener son projet comme elle l’avait imaginé et trouver des partenaires qui acceptaient de soutenir ses projets de créations. Mié était très prolifique. Dernièrement, j’ai fini de conceptualiser et de créer le projet JAM- Jig And Mix avec Valérie Castan. Mié avait initié ce projet quelque temps avant son décès et nous avions pour traces un mail et des échanges que Mié avait eu avec Lucie Mollier, administratrice de la compagnie…

AN H TO M est un programme qui réunit plusieurs pièces issues du répertoire de Mié Coquempot. Comment est né le désir de remonter aujourd’hui ces pièces dans un même programme ? Que représentent ces pièces en particulier dans l’histoire de la compagnie ?

Jérôme : Le décès de Mié, début octobre 2019, a été un choc très brutal pour toutes les personnes qui avaient pu travailler avec elle. Anne Sauvage, directrice de l’Atelier de Paris, montre le travail de Mié depuis plusieurs années et – en tant que membre de l’Association Paris Réseau Danse partenaire pour 2 ans de la compagnie K622 – avait choisi de programmer la première de la création en cours d’élaboration Dark Matter dans le cadre du festival June Events 2020. Anne est venue immédiatement nous proposer de maintenir cette soirée et d’en faire un hommage à Mié et à son travail. Rapidement convaincus qu’il serait impossible de rendre compte de la protéiformité de son oeuvre, nous nous sommes recentrés sur un de ses aspects les plus évidents : le rapport danse/musique sur lequel Mié a axé la grande majorité de ses créations. Musicienne de formation, elle était passionnée par le travail des compositeurs et aimait les inviter à prendre part à ses propres créations afin d’entretenir un dialogue permanent entre ces deux formes d’expression.

Maud : Sélectionner un nombre restreint de pièces qui rendent compte de la richesse du travail de Mié sur vingt années de création tout en faisant en sorte que cela tienne dans un seul programme de soirée a été difficile. Mais je crois que cette sélection, qui s’est réalisé de manière collégiale, en concertation avec les danseurs de Mié mais aussi avec ses proches collaborateurs, comme Christophe Poux, ou Lucie Mollier, a fait consensus. J’espère que ce programme agira comme une mise en réseau de ces oeuvres fortes et importantes dans le parcours chorégraphique de Mié. Ces pièces sont à la fois très différentes mais se répondent, en faisant apparaître quelques leitmotiv de son écriture chorégraphique.

Jérôme : Mié désirait aussi montrer à nouveau ses deux premières pièces, an H to B en 1997 et Nothing But en 1998, et avait déjà programmé leur transmission. Il nous semblait donc naturel de les intégrer à ce projet. Le programme que nous avons élaboré ne suit pas une logique chronologique mais s’organise autours de plusieurs des compositeurs avec lesquels/sur la musique desquels Mié a chorégraphié. Nous avons également voulu rendre compte de l’attachement que portait Mié à l’improvisation, aux structures ouvertes et avons intégré cet élément à la soirée.

an H to B est un solo initialement interprété par Mié Coquempot en 1997 à la suite de sa participation à la pièce Hypothetical Stream de William Forsythe en 1996. Pouvez revenir sur l’histoire de ce solo ?

Jérôme : Mié avait participé à la création de Hypothetical Stream, commande passée par Daniel Larrieu à William Forsythe pour les danseurs du CCN de Tours. L’élaboration de cette pièce s’est faite via les outils de l’époque; Forsythe ne pouvant être présent en studio, il envoya ses consignes de travail par fax et une copie VHS de Improvisation Technologie qu’il développait alors. Mié, marquée par cette expérience, s’est emparé de ces outils d’improvisation pour produire l’écriture d’an H to B à partir de 21 photogrammes du Solo de Forsythe. Chaque image est devenue support d’écriture de 20 secondes de danse, par phénomène de transposition, changement de plan, dessin dans l’espace, et autres systèmes qui seront fondateurs de la composition chorégraphique de Mié pendant ses premières années de travail.

Comment s’est déroulé sa reprise ?

Maud : Mié a transmis ce solo fondateurs à deux jeunes interprètes de la compagnie : Alexandra Damasse et Jazz Barbé. Je n’ai pas assisté aux séances de transmission, qui ont aussi donné lieu à une création avec un groupe d’étudiants du RIDC à Paris. Lors de la restitution au Regard du cygne en mars 2018 j’ai été frappé de constater que tous les principes qui constituent pour moi l’essence de l’écriture chorégraphique de Mié (basculement des formes dans les trois plans de l’espace, précision spatiale et rythmique, intervention de l’aléatoire) étaient contenus dans An H to B, son tout premier solo.

Jérôme, vous avez été interprète de Nothing but en 1998. Pouvez-vous nous dire l’histoire de ce solo ?

Jérôme : Nothing But est le premier travail que Mié me proposa un peu moins d’un an après notre rencontre. C’était un beau défi pour le jeune danseur que j’étais ! Ce projet s’articulait ainsi : une première phase de composition d’un solo qui serait filmé, puis une deuxième phase de pratique d’improvisation à partir des matériaux écrits. Le spectateur découvrait simultanément le matériau chorégraphié qui était projeté sur deux écrans (un plan séquence et un montage de plans rapprochés) et sa version altérée/réinterprétée en direct, elle même filmée partiellement et rediffusée sur un téléviseur – soit quatre versions d’une même danse. Ce dispositif, certes un peu chargé, témoigne assez précisément de la position de Mié par rapport à l’écriture qui n’oppose pas de hiérarchie entre une forme composée et une forme improvisée, chacune révélant toute la potentialité de l’autre. La chorégraphie s’inscrit très précisément dans trois cubes : le premier aplati au sol, le deuxième à dimension humaine, le troisième surélevé à une hauteur telle que sa base serait presque accessible. Je m’étais déjà familiarisé auprès de Larrieu aux concepts de point-ligne-plan qui régissaient une partie de son écriture; avec Nothing But, Mié partageait de multiples autres de ces outils de composition.

Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?

Jérôme : C’est une période extrêmement fertile pendant laquelle se développait chez moi une certaine façon d’appréhender l’espace, et de considérer le mouvement dans son amplitude, son chemin, sa vitesse, et surtout son intention. La forme n’est plus une contrainte puisqu’elle n’est plus un but en soi, un enjeu technique. La phase de travail d’improvisation a été plus longue pour moi à intégrer – plusieurs années en réalité, mais cela a constitué un formidable terrain d’expérimentation qui m’a donné beaucoup de liberté.

Le projet Journal de corps (2008-2010) occupe une place importante dans le répertoire de la compagnie. Vous avez tous les 3 participé à ce projet en 3 volets. Pouvez-vous revenir sur les enjeux de cette trilogie ?

Maud : Journal de corps a été la première pièce de Mié dans laquelle j’ai dansé. La création du premier volet a même été ma première expérience professionnelle. Elle coïncidait également à un changement dans le travail de Mié. Il y avait dans le processus de création une forme d’éclatement ou de dilatation par rapport au cadres du théâtre. Le premier volet a été créé in situ dans une ancienne carrière de pierre en partie submergée, et nous avons travaillé exclusivement en plein air. Mié déposait des éclats de matière chorégraphiques à différents endroits du paysage, comme on aurait dispersé des sculptures ou des installations. Ils s’agissait de matériaux chorégraphiques bruts, au sens où ils n’étaient pas écrits et relevaient plus d’expériences en train de se faire sur son propre corps que de chorégraphie de gestes. Tester l’élasticité de sa peau, rechercher un unisson de grimaces, bouger à partir des articulations, j’y perçois a posteriori comme une recherche fondamentale d’un nouveau langage chorégraphique, cherchant à s’affranchir de toute forme académique et de toute visée esthétisante. Il y avait clairement une étrangeté dans ce premier volet qui interrogeait pour moi le rapport à son propre corps, à son mystère. Le deuxième volet a été conçu de manière totalement différente, il s’agissait d’une succession de soli, et chaque interprète a travaillé en tête à tête avec Mié. Elle composait de manière particulière pour chaque interprète, comme un costume sur mesure, c’était un vrai cadeau ! J’ai beaucoup appris en la regardant bouger, son corps en mouvement était extrêmement lisible, limpide même.

Vinciane : La musique de cette trilogie a été composée par Pascal Contet et rassemblait sur scène 6 musiciens (accordéoniste, altiste,violoncelliste, contrebassiste, flûtiste et saxophoniste) et 6 danseurs. Dans le 2ème volet de Journal de corps, partie constituée de soli, Mié, à mes yeux, questionne le rapport musique-danse et l’influence du son sur le corps dansant et vice versa. Mié me disait, à ce moment là, qu’elle sentait une sorte de rivalité hiérarchique entre musique et danse qui existait depuis toujours et qu’elle souhaitait abolir cette forme de suprématie. Pour rompre cette frontière, Mié commence par exposer dans la pièce musiciens et danseurs avec le même costume dénudé ! Nous étions tous en culotte ou slip chair et brassière pour les femmes. Mié se plaisait à souligner qu’elle était très fière d’avoir pu obtenir cela des musiciens. Il se trouve que c’était la deuxième collaboration avec l’ensemble 2e2m et les musiciens de cet ensemble étaient très ouverts et s’engageaient pleinement dans toutes ces expériences. Chaque solo possède un traitement spécifique avec la musique. Dans le solo que j’interprétais, la musique déclenchait mon mouvement et le mouvement devait refléter l’élément sonore entendu. J’adaptais donc ma partition dansée à celle de la musique à chaque représentation. Les 6 musiciens de l’Ensemble 2e2m jouaient face au public sur une ligne en fond de scène et avançaient en ligne droite progressivement vers moi jusqu’à me dépasser. Dans ce 2ème volet, Mié aimait orchestrer entre la musique et la danse les relations spatiales, en créant soit une tension soit une fusion. Dans le solo clôturant cette 2ème partie et interprété par Roberto Martinez, les musiciens étaient organisés dans un cercle qui se resserrait progressivement autour du danseur. Ce solo finissait par un cri et achevait cette partie. Le dernier volet de cette trilogie rassemble musiciens et danseurs dans un déploiement commun. Les musiciens participent à l’évolution chorégraphique et les danseurs en déplaçant des objets et en effectuant certains gestes percussifs pénètrent dans l’espace sonore. Mié à travers cette pièce réunit en un seul corps musique et danse. Je vois cette oeuvre comme une oeuvre de transition dans le travail de Mié dans son rapport à la musique.

Jérôme : N’ayant pas été impliqué dans cette production autrement qu’en interprétant la version jeune public que Mié réalisa a postériori, je ne peux pas trop m’exprimer sur les modalités de sa création. Cependant je pense que c’est une pièce charnière. Mié confirme le tournant qu’a pris son travail avec sa précédente pièce, Bande Originale, qui, en s’inspirant du cinéma d’action américain, explorait les récits que peut produire un corps par ses postures et mouvements. Journal de corps est une pièce en trois parties ; le premier acte est une étude sur les éléments constitutifs du corps permettant une interaction physique et sensible avec le monde – os / chair / articulations / forme / dimensions / volumes / poids / cinq sens ; le deuxième acte s’interroge sur les gestes du pouvoir – force / virtuosité / séduction / nuisance / tyrannie ; le troisième parle de notre corps social et des organisations de groupe. Un enjeu parallèle a été celui d’un traitement équitable entre les musiciens (ceux de l’ensemble 2E2M) et les danseurs dans leur partage de l’espace du plateau, des actions, et même du costume puisque tous portaient simplement des sous-vêtements chair. Par ailleurs cette pièce inaugurait une résidence de trois ans au Centre des Arts d’Enghien les Bains au cours de laquelle Mié a continué cette recherche en explorant les possibilités d’un corps augmenté grâce aux outils numériques.

Le spectacle PH en 2012 est une collaboration avec le compositeur électro-acoustiques Pierre Henry. Ce spectacle témoigne de l’intérêt de Mié pour la musique. En tant que chorégraphe, quel rapport entretenait-elle avec la musique ?

Maud : Je crois que Mié a d’ailleurs courtisé Pierre Henry pendant plusieurs années avant qu’il n’accepte qu’elle produise une chorégraphie sur une de ses oeuvres ! Mié avait reçu une solide formation musicale, notamment en piano, et la musique a quasiment toujours été au coeur de ses projets. Elle s”intéressait aussi bien à la musique classique ou baroque qu’à la musique contemporaine. Elle passait commande à des compositeurs (Pascal Conté, Ryoji Ikeda), et collaborait régulièrement avec des musiciens, en les mettant en jeu sur scène. Au delà des questions esthétiques liées aux différents répertoires musicaux qu’elle visitait, Mié revenait systématiquement à son intérêt pour la matérialité des sons. La durée d’un son, son intensité, son tempérament, l’imaginaire qu’il suscite… Ces caractéristiques agissaient dans son travail comme des déclencheurs d’états de corps ou de qualités de gestes particulières. La fusion entre la matérialité d’un son et la matérialité d’un geste était un des moteurs de son écriture chorégraphique. Celle-ci se modulait donc en fonction des répertoires musicaux et se basait toujours sur une minutieuse étude des partitions.

Vinciane :  Mié, depuis sa jeune enfance, a toujours baigné dans un riche univers musical. D’ailleurs, je pense que ce n’est pas un hasard si le nom de sa compagnie porte la référence d’un concerto composé par Mozart. Mié s’intéressait à tous les genres musicaux et s’attachait particulièrement à découvrir de jeunes compositeurs. Je crois que la rencontre avec Pierre Henry a été un tournant ou un révélateur pour l’écriture chorégraphique de Mié. Tous deux partageaient un intérêt particulier pour la spatialisation. C’est à partir de ce projet de création que Mié s’est mise à élaborer une partition musicale en décortiquant tous les sons et motifs musicaux. Cette partition prenait l’apparence d’une timeline. Ce travail minutieux lui permettait de transposer la partition musicale fabriquée en partition chorégraphique. Mié voulait partager avec le public une écoute sensible de la musique et son écriture chorégraphique permettait de donner une interprétation de l’oeuvre musicale et d’en faire ressortir toutes les subtilités tel un chef d’orchestre. 

Quels souvenirs gardez-vous de ce spectacle ?

Maud : Le premier jour de répétition sur PH, Mié avait affiché sur un mur du studio un gigantesque tableau excel qu’elle avait préparé avec Jérôme Andrieu. Il s’agissait d’un minutage hyper précis de la “Grande Toccata”, une des trois oeuvres de Pierre Henry que Mié a utilisé pour PH . Pierre Henry avait composé sa Grande Toccata sans écrire de partition musicale sur papier, mais Mié en avait recréé une à partir d’une écoute particulièrement détaillée de l’oeuvre. L’apparition de chaque son était minuté à la seconde près, ainsi que sa durée. Chaque son était nommé, de manière à faire apparaître les éventuelles apparitions ou variantes. C’était tellement précis que le tableau excel faisait plusieurs mètres de long… Mié avait écrit un motif chorégraphique pour chacun des sons, puis attribué plusieurs de ces sons/motifs à chaque interprète. Au début de PH, nous interprétions donc une longue phrase chorégraphique commune que chaque apparition de son/motifs venait individuellement perturber. Comme le rythme de déroulement de cette phrase était volontairement aléatoire, les perturbations n’arrivaient jamais au même moment dans la phrase. En plus de la difficulté à dissocier les sons à l’écoute aussi précisément que Mié, cela demandait pas mal de concentration pour reprendre ensuite le cours de son action… Au début de la création, on n’entendait rien et c’était un joyeux bazar, on ne faisait que courir après les sons et se perdre dans le cours des phrases. Au fur et à mesure des répétitions, notre écoute s’est affinée et interpréter cette pièce est devenu à la fois un jeu et un voyage. Je ne sais pas si c’est ce que ressent le public en assistant à ce spectacle, mais en l’interprétant, j’ai l’impression que l’écriture de Mié révèle la dimension spatiale de l’écriture musicale de Pierre Henry. D’autres modalités de relation au son étaient présentes dans l’écriture de Mié, comme ce qu’elle appelait le “note à note” et qu’on peut voir au début de 1080 l’art de la fugue. C’était un travail d’orfèvrerie dans lequel chaque geste fusionnait avec une note musicale, en terme de durée, de “hauteur”, de caractère…le tout écrit pour et sur chaque interprète…

Vinciane : Chaque création est une aventure artistique et humaine donc forcément beaucoup de souvenirs refont surface. Notamment le souvenir de la dimension de la partition élaborée par Mié et Jérôme qui l’assistait sur PH. À ce moment là, nous étions en résidence au Centre des Arts d’Enghien-les-bains et nous travaillions dans la salle noire, une salle qui a la même taille que la scène. Mié, chaque jour apportait des feuilles qu’elle scotchait les unes aux autres pour compléter au fur et à mesure la partition musicale. Au final, nous utilisions plus d’un mur, la longueur de la partition était de 15 ou 17 mètres ! Je me souviens aussi d’avoir eu à chaque représentation un véritable plaisir sonore : l’oeuvre de Pierre Henri a besoin d’un dispositif spatial particulier pour être donnée à entendre et nous étions au coeur de ce dispositif. Ce dispositif permettait de mettre en relief certains éléments sonores ce qui stimulait perpétuellement notre écoute et ré-activait notre interprétation.

Jérôme, vous avez co-écrit Trace avec Mié lors d’une résidence la Villa Kujoyama à Kyoto. Quels souvenirs gardez-vous de ce voyage avec Mié ?

Jérôme : Nous avons passé 3 mois ensemble à l’autre bout du monde, c’est une véritable tranche de vie que nous avons partagé. Nous avons énormément travaillé, très peu dormi, le fils de Mié avait tout juste un an et a fait ses premiers pas dans notre studio. Nous avons eu le temps de ne plus nous sentir touristes au Japon, d’y prendre nos marques. J’étais chanceux de découvrir ce pays en étant guidé par Mié car il est beaucoup plus amusant de jouer avec les règles du jeu quand on vous les a expliquées… Ce projet impliquait aussi trois danseurs japonais que Mié avait rencontrés lors d’un workshop. Je me souviens que les japonais parlaient peu l’anglais et que je ne parlais pas le japonais… Mié seule parlait les 3 langues et a dû tout traduire non-stop. Au bout d’un temps, à force de travailler ensemble, nous avons fini par avoir moins besoin de son secours…

Pouvez-vous revenir sur les enjeux de ce voyage et la recherche que vous avez menée sur place ?

Jérôme : L’idée initiale de Trace était de trouver des moyens de faire persister dans l’espace la trace du mouvement, par nature éphémère. A Kyoto nous nous sommes intéressés au Gutaï, mouvement artistique japonais de l’après guerre, où le geste pour peindre ou sculpter était aussi – voire plus – important que le résultat même. Un artiste comme Shiraga Kazuo performait l’acte de peindre avec ses pieds suspendu à une corde, ou modelait la glaise dans un corps à corps total avec la matière. Dans la pièce nous peignions une sorte de partition sur un grand rouleau de papier, un cube de terre glaise se déforme sous l’effet de la danse, un duo en contact laisse une diagonale de peinture rouge au sol et dans le même esprit un danseur enduit de peinture blanche recouvre progressivement un cube tendu de plastique… Le compositeur Ryoji Ikeda est venu résider quelques jours avec nous pour créer la musique. Son travail est façonné de façon très mentale et c’était passionnant de le voir élaborer ses propositions en écho à ce que nous étions en train de fabriquer. Il composait d’ailleurs pour la première fois avec des instruments acoustiques. 

Comment pouvez-vous résumer la pensée chorégraphique particulière à Mié Coquempot ?

Maud : Je crois que je n’ai pas encore assez de recul pour “résumer” la pensée chorégraphique de Mié. Je vois surtout la trajectoire d’une artiste très libre, qui, au travers de son oeuvre, cherchait, et privilégiait l’expérimentation artistique à la lisibilité conceptuelle. Je dirais qu’à la base de son travail il y avait un immense amour pour les gens, les danseurs pour qui elle chorégraphiait, les personnes à qui elle enseignait, les artistes avec lesquels elle collaborait, et une volonté de prendre soin d’eux. De là son amour du fait main, du sur-mesure, son extrême attention aux détails et à l’harmonie dans les ambiances de travail. À l’échelle de son écriture du mouvement, coexistait une précision minutieuse avec un grand respect de l’intégrité corporelle. Les appuis de son écriture étaient souvent musicaux, mais faisaient toujours appel à un imaginaire, en relation à la matérialité d’un son par exemple, mais aussi en relation à l’espace : Mié composait souvent des danses comme une partition spatiale en trois dimensions, avec des basculements de formes géométriques d’un plan de l’espace à l’autre. Qu’il s’agisse de partitions d’improvisation ou de séquences de mouvements très écrites, son travail encourageait toujours la singularité individuelle dans l’interprétation…. Ah oui, et l’humour aussi !

Jérôme : Mié était manuelle et obstinée. À une époque elle a réalisé des lampes en céramique et papier ; avant de les confectionner elle en faisait des croquis préparatoires. C’est un peu pareil avec ses pièces ; ça commence avec un intérêt, une idée, une envie, puis une phase de recherche et conceptualisation, et ensuite la mise en œuvre du projet de façon assez méthodique. L’économie de K622 a toujours été serrée pour des projets toujours ambitieux, en nombre de danseurs, en technique… Cette façon d’élaborer le travail permettait à Mié de réduire le nombre de semaines de répétition car, d’une certaine façon, le studio n’était plus le moment de la recherche mais celui de la réalisation. Elle avait un goût prononcé pour la précision, mais en fin de compte pas tant du mouvement lui-même que de celle du danseur, vecteur de la danse. Elle trouvait autant d’intérêt à composer la danse qu’à élaborer des cadres d’improvisation, car elle aimait par dessus tout révéler les interprètes, leur qualité, leur potentiel.

Vinciane : Résumer la pensée chorégraphique de Mié n’est pas une mince affaire ! Il m’est plus facile de décrire son travail plutôt que de définir sa pensée. Mié avait un sens poussé de l’abstraction et s’appliquait à cibler l’essence de sa recherche pour en redonner une forme visible. Le mouvement architectural et en même temps très sensuel fait partie de sa signature gestuelle. Elle accordait aussi toute sa confiance à l’interprète et élaborait des processus créatifs où le danseur était toujours en train de requestionner la matériel chorégraphique. Elle aimait sentir son oeuvre vibrer. Mié distinguait trois cycles distincts dans la conception des ses oeuvres. Elle nomme ce premier cycle “Plastique”. Pendant cette période, elle s’interrogeait sur la forme, la matière, la couleur et inventait des systèmes de codification et de transposition notamment spaciaux qui participaient à enrichir son langage chorégraphique.  Puis dans le second cycle, elle se questionnait sur le rôle et la place de l’interprète dans une oeuvre et réutilisait le principe des oeuvres à forme ouverte dans la conceptualisation de ses pièces. Puis enfin elle ciblait sa recherche sur le rapport musique-danse, je l’entends encore dire “la danse fait voir la musique et la musique fait entendre la danse”. Dernièrement, Mié avouait qu’elle faisait de la chorégraphie pour faire de la composition musicale.  

Le casting d’an H to M à la particularité de réunir plusieurs générations d’interprètes de K622.

Maud : Mié avait une grande fidélité pour ses interprètes. Nombre d’entre nous ont collaboré avec elle pendant des années, en tant que danseurs, assistants… Les différentes “générations” de danseurs de la compagnie ne sont pas succédées mais se sont au contraire côtoyées, ce qui est assez rare pour être noté. Ce fonctionnement a permis de nombreuses rencontres qui ont parfois débouché sur de longues collaborations. C’est dans la compagnie de Mié que j’ai rencontré Jérôme Brabant, ou que se retrouvaient Julien Andujar et Audrey Bodiguel. L’écriture de Mié a toujours réuni des interprètes très différents et le casting d’an H to M reflète cette riche diversité. Mié avait à coeur que son répertoire puisse continuer à être diffusé, et elle a confié la responsabilité à ses interprètes de le faire vivre de manière collégiale.

Jérôme : Les circonstances actuelles ne nous ont pas permis d’entrer en studio pour commencer ce travail. Tous les interprètes présents sur ce programme ont dansé auparavant avec Mié et devaient à priori « simplement » reprendre leur propre rôle, la question de transmission s’appliquant aux extraits de pièces plus anciennes du répertoire. Le travail que Mié a construit constitue un corpus formidable à partager avec des danseurs qui n’auraient pas croisé sa route ou qui seraient en formation ou bien sûr des amateurs. C’est un des enjeux que la compagnie travaillera dans le futur.

Justement, Lucie Mollier, quels sont les enjeux de la compagnie aujourd’hui ?

Lucie Mollier : Mié, qui avait une vision très précise et engagée des enjeux de structuration et de visibilité traversant le secteur chorégraphique, tenait avant tout à ce que sa compagnie continue d’œuvrer pour la danse. Nous avions déjà entrepris depuis 2018 une large réflexion sur le développement de K622, et au moment de fêter les vingt ans de la compagnie, quatre axes forts se sont dégagés : poursuivre l’activité de création en cours, valoriser un répertoire riche d’une trentaine d’opus, créer un fonds d’archive, accompagner d’autres artistes. C’est sur ces pierres posées par Mié comme les fondations de notre activité que nous bâtissons l‘avenir de façon organique. 

Quels sont les prochains projets que va porter K622 ?

Lucie : K622 est donc en pleine création d’Offrande, la dernière œuvre de Mié qui clôt son cycle de travail autour de la musique de Jean-Sébastien Bach – une pièce coopérative qui hybride des écritures contemporaine, baroque et classique, portée de façon conjointe avec les chorégraphes Béatrice Massin et Bruno Bouché. Dans le même temps nous mettons en œuvre la réactivation de plusieurs pièces du répertoire de K622. Avec An H to M, nous avions le désir de créer un hommage comme un parcours choisi ; mais nous réactivons aussi spécifiquement trois œuvres : An H to B et Nothing But, deux solis qui se trouvent dans le programme, et Sans Objet à l’horizon 2021. Cette pièce de 2004 se pose à un endroit très radical du dialogue entre danse et musique qui fait la spécificité du travail de Mié ; elle fera l’objet d’une transmission au sein de la compagnie car il y a aussi ce désir que l’écriture demeure vive, circule dans les corps… L’enjeu est de partager ces œuvres singulières sans rigidité, en se saisissant des paramètres de liberté que Mié a bien souvent intégré dans la matrice de ses pièces. La force de la K622 réside dans une équipe fidèle dotée d’une connaissance intime, riche et solide du répertoire et de ses enjeux dramaturgiques : notre travail se déploie toujours à partir de ce nœud fondamental. En toile de fond, nous collaborons avec le Centre national de la danse pour la constitution d’un fonds d’archive Mié Coquempot ; un travail de longue haleine qui vient sensiblement enrichir la démarche de réactivation.

K622 a porté la création d’une autre artiste la saison dernière, allez-vous réitérer ce type de dispositif ?

Lucie : En effet nous travaillons également à développer l’accompagnement de chorégraphes émergentes : notre petite pierre à l’édifice dans un contexte d’inégalité persistante de la répartition des moyens de production entre artistes hommes et femmes et donc de la représentation des oeuvres de femmes chorégraphes sur les plateaux. L’émergence est aussi un moment fragile où l’artiste a besoin de s’appuyer sur une structure stable (dont il ne dispose la plupart du temps pas), mais aussi sur un accompagnement bienveillant pour la production de ses projets. Nous pensons que K622 peut être cette maison qui permettra à un projet de création de s’épanouir pleinement. C’est une expérimentation que nous avons menée avec succès avec Nina Vallon jusqu’à la structuration de sa compagnie fin 2019, et que nous allons reconduire avec d’autres artistes à l’horizon 2021-2022.

AN H TO M, avec Jérôme Andrieu, Julien Andujar, Jazz Barbé, Jérôme Brabant, Alexandra Damasse, Vinciane Gombrowicz, Anne Laurent, Maud Pizon, Emeline Rabadeux – et pour la première Lou Cantor, Pavel Danko, Charles Essombe, Léa Lansade, Philippe Lebhar. Lumière Françoise Michel. Régie générale Christophe Poux. Production K622 –Lucie Mollier. Photo © Clémentine Laronze.

La compagnie K622 présente AN H TO M le 23 octobre à l’Atelier de Paris / CDCN.

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