Photo Papier travail PLI 3c Domitille Martin scaled

Inbal Ben Haim, Déplier l’humain

Propos recueillis par Mélanie Drouère

Publié le 8 décembre 2022

Adossée à une formation artistique pluridisciplinaire – théâtre, danse, dessin, littérature -, la découverte du cirque en 2004 projette Inbal Ben Haïm dans un parcours de création à la croisée des chemins corporel et plastique. En tant qu’artiste associée au CCN2 – Centre Chorégraphique National de Grenoble -, Inbal Ben Haïm développe depuis trois ans un travail singulier de rencontres, dans une dynamique mue par son insatiable curiosité à l’égard de ce que le cirque peut apporter en matière de bien-être personnel et d’enrichissement du rapport aux autres et à l’environnement. Dans cet entretien, l’artiste lève le voile sur les ressorts et les enjeux que recouvrent pour elle son rôle d’artiste associée au CCN2. Elle raconte aussi la genèse de sa dernière création, PLI, qui, dans sa relation inédite avec le froissage de papier, propose une approche nouvelle sur notre rapport à nos propres forces et fragilités, au cœur même de l’objet de toutes ses recherches

Inbal Ben Haïm, vous êtes artiste associée au CCN2 depuis trois ans ; quand et comment votre complicité avec l’équipe de la structure est-elle née ?

Notre complicité est née de façon assez drôle, inattendue, par le biais du lancement de la production de PLI. Lorsque, fin 2019, je commençais ce projet avec deux collaborateurs très précieux, Domitille Martin et Alexis Mérat, j’ai postulé à Circusnext, une plateforme de soutien pour de jeunes créations circassiennes. Nous avons présenté un travail en cours d’une quinzaine de minutes au Montfort Théâtre : c’était l’étape de la présélection nationale. Circusnext offre une grande visibilité auprès d’un public de professionnels, y compris pendant ce premier processus de sélection ; en cela, même les projets non sélectionnés sont « gagnants ». D’ailleurs, nous avons été sélectionnés, et nous en sommes bien reconnaissants, mais ce sont surtout les rencontres qui ont été fructueuses, je pense notamment à Stéphane Malfettes, directeur des SUBS à Lyon, qui m’a proposé d’assurer la production déléguée de PLI. Par la suite, l’équipe du CCN2 a eu écho du projet PLI et, de mon côté, je cherchais des coproducteurs, sans même connaître l’existence du dispositif « artiste associé ». Je venais juste d’emménager à Grenoble, il était donc naturel pour moi de les rencontrer. Et quand Erell Melscoët, directrice adjointe du CCN2, et Hélène Azzaro, responsable des relations aux compagnies, accueil et médiation, m’ont interrogée sur mes autres projets, je leur ai parlé de la pièce Racine(s) alors en tournée, mais aussi et surtout de cette envie profonde chez moi de rencontrer des publics autrement, pas seulement à l’endroit du théâtre, qui peut être un endroit très intime mais aussi un peu anonyme.

Selon vous, d’où vous vient ce désir de rencontrer les publics « autrement » que dans le cadre de représentations ?

Depuis que j’ai fait mon service civil en Israël – de 19 à 21 ans – en tant qu’éducatrice spécialisée auprès de jeunes en difficulté sociale, cadre dans lequel j’ai importé le cirque que je pratiquais depuis toute petite en tant qu’outil alternatif dans une perspective d’un travail éducatif et social, je m’interroge sur le décalage et les résonnances possibles entre le travail artistique et les interventions sociales. Le lien entre sphères sociale et artistique est fondamental pour moi et sculpte ma vision de ce que peut signifier le rôle de l’artiste au sein de la société. Ce qui m’intéresse, dans la vie comme dans l’art, c’est la possibilité de créer des liens et de provoquer des rencontres. Je trouve que les langages différents auxquels donne accès la sensibilité artistique aident énormément dans le milieu social, parce qu’il me semble que le rôle de l’artiste aujourd’hui est précisément d’apporter cette sensibilité, cette fantaisie, cette folie qui manquent au monde et qui permettent d’insuffler de la guérison en poétisant la vie. Depuis ce croisement des voies – du cirque et du monde social, pendant mon service civique -, j’ai commencé à développer une pédagogie, qui peut être perçue comme « pédagogie thérapeutique du cirque », dans l’idée de valoriser tout le travail émotionnel, mental et en dynamique de groupe, que le cirque propose, en lien avec travail corporel. Je ne parle donc pas seulement de rencontres avec le public dit « défavorisé », car je crois que nous avons tous besoin de poésie pour être bien, dans ce monde et dans cette société. Par conséquent, je m’appuie sur cette pédagogie aussi bien dans l’accompagnement d’artistes circassiens professionnels et d’étudiants en formation que dans les actions de médiation pour tous les publics, car le cirque a tant de choses à nous apprendre à propos de problématiques tout à fait universelles : sur la peur, la confiance, l’échec, la réussite, la collaboration avec les autres dans un environnement donné.

Comment avez-vous concrètement transformé ce désir de rencontre au CCN2 ?

Quand Erell Melscoët et Hélène Azzaro m’ont proposé de devenir artiste associée – ce qui était inouï pour moi car, encore une fois, je ne connaissais pas ce dispositif français -, c’est ce propos que j’ai tenu avant tout et dans lequel elles se sont immédiatement reconnues. Nous avons donc commencé la collaboration avec énormément d’envies et de projets, notamment le souhait de travailler avec des personnes âgées, parce que PLI pose de nombreuses questions concernant les notions de fragilité et de force. Puis, fin février 2020 a marqué un changement dans nos vies, avec le covid qui a bouleversé le monde pendant environ deux ans. La situation sanitaire et le gouvernement nous demandant de nous isoler et de rencontrer le moins de personnes possible, créer des rencontres pendant cette période d’artiste associée est devenu un grand challenge mais en même temps si nécessaire dans cette période !Autant PLI, en tant que projet de création, a très peu souffert de ces injonctions, car nous étions une toute petite équipe, bénéficiant de théâtres très disponibles qui nous ont beaucoup accueilli en résidence, autant la voie des rencontres, des actions culturelles, était totalement obstruée ou du moins mise en difficulté. Nous souffrions d’un manque de possibilité de nous projeter, notamment sur le long terme ; nous étions dans des espaces d’invisibilité, d’anonymat. Malgré tout, nous avons réussi à mettre en place quelques liens puissants sur le territoire.

Dans ce contexte de pandémie, avec quelles personnes avez-vous réussi à travailler, et de quelle manière ?

Nous avons longtemps été en résidence avec Pli au CCN2 en 2020 et 2021, ce qui était un soutien précieux à notre processus de création et, dès que c’était possible, le CCN2 proposait Racine(s) en diffusion. Ce spectacle, que j’ai co-crée avec L’Attraction Compagnie, le metteur en scène Jean Jacques Minazio et le musicien David Amar, se joue de plein air autour d’un arbre et avec lui, et cela permettait plus facilement de regrouper des gens. Ce spectacle a très souvent été présenté en milieu rural ; il évoque le lien complexe entre l’homme et la terre, ou ce que l’on peut nommer « notre » terre, que nous quittons presque tous. En un sens, aujourd’hui, nous sommes tous des « migrants ». Personnellement, j’ai littéralement quitté mon pays natal, mais d’une manière ou d’une autre, nous sommes tous des nomades, qu’il y ait des raisons macroscopiques à cela – je pense aux réfugiés – ou microscopiques, personnelles. D’où la question : quelle relation gardons-nous avec cette terre originelle que nous quittons mais emportons avec nous ? En ce qui me concerne, cela va même plus loin puisque, de par ma pratique artistique de la corde, je quitte la terre en tant que telle, régulièrement, pour aller dans les airs ; toutefois, je demeure très connectée à ma terre, à mes racines. Par ailleurs, j’ai également pu faire quelques rencontres très marquantes durant ces trois années, notamment par le biais du local de femmes SDF à Grenoble, une association qui tient un lieu d’accueil de jour qui permet à des femmes en situation de manque ou d’instabilité de logement d’être protégées de jour. Cette association s’occupe du « deuxième cercle » des besoins, la nourriture culturelle et humaine. Dans ce cadre, ce lieu invite des artistes à créer des projets avec les femmes qui sont là, sachant qu’elles y sont de façon assez éphémère, et organise des sorties spectacles pour elles. C’est ainsi qu’elles sont venues voir Racine(s), en groupe de dix. Comme presque toutes étaient des migrantes, ce spectacle a résonné fortement pour elles, et la rencontre s’est avérée très riche. Aussi avons-nous organisé par la suite tout un processus de rencontres avec nos racines, une formidable recherche, sous forme artistique, ce qui leur a donné la possibilité de réfléchir au mode de vie d’artiste, à ce que signifie faire de l’art, et à travailler avec le corps. Nous avons utilisé des chansons d’une grande variété de langues et de langages, des danses traditionnelles pour exprimer et valoriser la culture de chacune de nous, comme un « chez soi » que nous portons toujours avec nous. Nous avons fait du cirque ensemble, sur le tissu, la corde, et le trapèze, avons dépassé des peurs et les jugements pour trouver un moment ludique et de libération… Il s’agissait de s’approprier son propre corps comme un chez-soi. Elles sont venues au CCN2 découvrir les locaux, ce qui était fabuleux pour elles de pouvoir ainsi investir ce lieu immense. En résonnance avec la création PLI, nous avons beaucoup travaillé autour du papier, qui est un matériau à la fois très ordinaire, et possiblement producteur d’une grande beauté. Et surtout, nous nous sommes vraiment rencontrées.

Avez-vous travaillé avec d’autres publics dans le cadre de votre invitation en tant qu’artiste associée du CCN2 ?

J’ai aussi travaillé avec les étudiants du DN-MADe Graphisme et DN-MADe Mode du Lycée Argouges de Grenoble, des jeunes qui travaillent avec des matières. Avec Domitille Martin, nous avons proposé un regard croisé entre cirque et arts plastiques et avons donné quatre jours de masterclass sur la question de ce croisement. La rencontre entre les étudiants du Lycée Argouges et des circassiens professionnels fut extrêmement riche. Je vais d’ailleurs de nouveau rencontrer toutes ces personnes autour de PLI, donc dans un rapport accentué au spectacle. Une autre rencontre a eu lieu en novembre, avec une école de cirque de Grenoble, Vit’anim, pour travailler avec ses élèves de la formation professionnelle autour de la corde-lisse et de l’acrobatie aérienne. J’ai eu envie de leur apporter une autre couleur, celle de la recherche technique et artistique, de la créativité, pour qu’ils développent et s’approprient leur propre technique et leur propre chemin artistique. Une dernière action pédagogique s’est déroulée au mois de novembre. J’ai collaboré avec Yochai Ginton, un danseur et chorégraphe Israélien, pour créer un stage professionnel où se rencontraient cirque, danse contact et Partnering. Dans le cirque contemporain, nous travaillons très souvent avec des agrès, des objets et avec des partenaires humains, de manière très proche. Dans ce stage, nous avons souhaité chercher ce que le cirque peut apprendre de la danse contact sur le rapport au « partenaire » – objet ou humain – et comment cela peut transformer notre travail physique et mental. Par ailleurs, ma collaboration avec l’Université de Grenoble Alpes m’importe énormément, notamment parce que j’ai eu la chance d’y rencontrer une doctorante en sciences du spectacle vivant, Lucie Bonnet, qui nous a beaucoup accompagné dans des périodes de résidence de recherche et de création, dans les moments de présentations et autres actions.  Cette collaboration nous a permis de croiser nos recherches, à la fois universitaires et artistiques, et de nous nourrir mutuellement. De cette rencontre est né un processus assez singulier de co-écriture de nos programmes de salle pour le spectacle Pli, ainsi qu’un texte sur le positionnement du projet PLI sur la question du « cirque engagé » ; réciproquement, de son côté, elle a tissé de nombreux liens entre son enseignement et notre pratique circassienne. Cette rencontre a une telle importance que je ne sais plus, honnêtement, comment le travail de création artistique pourrait faire l’économie, dans nos sociétés, de cette dimension théorique. Refléter, écrire, éclairer, ajouter un concept sur ce que nous faisons, ou le nommer, en le voyant : ce travail de recherche enrichit tout le processus créatif. En parallèle et en sus des activités d’artiste associée au CCN2, je fais partie d’un collectif d’artistes qui vient de s’implanter à Grenoble, La Maison Courbe. Domitille Martin, Kamma Rosenbek (qui a également rejoint l’équipe de PLI sur l’assistance à la mise en scène), Nina Harper, Léo Manipoud et moi y conduisons une ligne éditoriale qui s’inscrit entre arts plastiques et arts vivants pour développer nos projets respectifs. A la sortie du covid, nous avons créé le projet Entre nous, une série d’actions performatives dans les rues de Grenoble pour requestionner l’espace public et le lien entre les personnes qui sortent d’une période d’isolement. Nous avons souhaité créer un nouveau souffle en cette période qui n’était pas facile pour notre société, en créant des moments poétiques entre réalité et fiction.

Pourriez-vous revenir sur la genèse de cette dernière création, PLI ?

C’est une rencontre entre les arts plastiques et le cirque, le corps et une matière : le papier. C’est une jolie histoire, née de plusieurs rencontres. Lors de ma deuxième année au Centre National des Arts du Cirque à Chalons en Champagne, j’ai suivi un workshop avec Johann Le Guilherm, qui nous a énoncé sa définition du cirque et des « pratiques minoritaires », qui recouvrent des usages jamais, peu ou plus du tout pratiqués. La semaine suivante, il nous a proposé de présenter trois minutes d’une « pratique minoritaire », quelque chose de « jamais vu ». Mon imaginaire m’a conduit à travailler avec le papier. J’avais le souhait de créer un immense oiseau de papier et de voler dessus. Malgré mes nombreux essais, je n’ai pas réussi, et j’ai alors commencé à frapper la matière et à la modeler, ce qui a produit une espèce de poupée de papier à taille humaine que j’ai suspendue en l’air, sur laquelle j’ai grimpé, et nous avons fait une sorte de numéro de porté acrobatique. A la fin du stage, nous avons donc présenté nos pratiques minoritaires et, dans le public, il y avait Cyril Thomas, (à l’éparque -responsable de la chaire ICIMA et du pôle recherche au CNAC de Châlons-en-Champagne). Par un hasard total, il rencontrait deux semaines plus tard Alexis Mérat, froisseur de papier. Or une autre élève de la promotion, Emma Verbeke, avait aussi travaillé autour du papier. Cyril Thomas nous a proposé de monter tous ensemble un laboratoire de travail entre les froisseurs de papier et nous, une aubaine incroyable !

Comment avez-vous travaillé avec le froisseur de papier ?

Pour notre première rencontre, Alexis Mérat est arrivé avec une petite valise remplie de choses extrêmement belles. Il m’a expliqué comment il froissait, puis il m’a appris. De mon côté, je lui ai montré ce que je faisais en suspension et à la corde. Soudain, nous avons constaté avec ébahissement que nous avions un vocabulaire gestuel commun – ce geste de serrer la main, autour d’une corde pour se suspendre et autour du papier pour le froisser. Nous avons immédiatement envisagé d’exécuter les mêmes gestes en même temps, puis nous nous sommes posé la question de la réalisation d’agrès en papier, mais sans savoir si ça allait tenir. Nous avons alors fait des tests et découvert que la suspension sur du papier froissé était possible ! Or quand on ouvre une pièce sans savoir qu’elle existait, des milliers d’idée jaillissent ! Nous avons alors développé la suspension sur papier, comme une discipline double de papier et de cirque. Très vite, nous avons eu envie de réaliser un hamac de papier, des voiles de papier, d’énormes sculptures de papier, au-delà d’une « simple » corde en papier. Alexis Mérat est également ingénieur mécanique et a pu exécuter des calculs de résistance du papier selon les plis et l’usage que nous souhaitions rendre possible… C’est étonnant de voir comme cette matière très fragile qu’est le papier peut être dans le même temps si solide. C’est à partir de cette découverte – à la fois technique et poétique, philosophique et même politique -, que j’ai eu l’envie d’impulser la création d’un nouveau spectacle.

Comment décririez-vous votre rapport à la fragilité et à la force ?

À cette étape de nos recherches, j’ai fait appel à Domitille Martin, plasticienne et scénographe avec qui j’avais déjà travaillé sur mon spectacle précèdent Racine(s), qui est spécialisée dans la construction scénographique, à la fois plastique et technique, d’agrès pour les circassien ; en fait, elle crée une matière première qu’elle transforme en sculpture ou en scénographie, puis en agrès de cirque. Tel est le trio qui a constitué l’équipe de base. En parallèle, je découvrais un article brésilien – « Questions d’hier et d’aujourd’hui concernant la force et la fragilité » de Joao Moreira Salles – qui m’a beaucoup inspirée sur les questions de la fragilité et de la résistance. Il en va de même pour Simone Weil ou Paul Ricoeur, qui soulignent avec délicatesse notre responsabilité humaine à l’égard de ce qui est fragile. Ayant vécu cette fragilité dans mon corps propre en tant que circassienne, avec une blessure importante liée à un déchirement du cartilage de l’épaule, j’ai un rapport ténu au fragile, au puissant, et surtout à leurs relations ! La question de la force touche aussi à la question du violent, de nos forces cachées, à la manière dont nous pouvons résister, par nos sensibilités et fragilités, dans ce monde qui nous met face à une multiplicité de violences. Je voulais donc en quelque sorte « revendiquer le fragile », comme un acte artistique mais aussi politique. J’ai ainsi pris beaucoup de plaisir à découvrir que le papier qu’on croit très fragile, si l’on sait le travailler, devient très solide, et force est d’y voir un parallèle avec nos propres fragilités, qui peuvent devenir forces ; réciproquement, lorsqu’on croit le corps surhumain, par exemple celui du circassien « parfait » et presque mécanique, tout peut s’écrouler par une blessure, un accident, ou juste en un moment de manque d’attention. Le papier est clairement un prétexte pour parler de ces complexités et ambivalences, de manière très concrète : le papier va-t-il tenir mon corps à six mètres de hauteur ? Cette question donne un autre sens à la notion de risque, mais dégage aussi une aura symbolique, allégorique, poétique : où sont donc nos forces et nos fragilités ?

Qu’avez-vous choisi de garder pour le spectacle parmi les tests que vous avez réalisés ?

À l’issue de nos recherches très techniques en trio, nous avons inventé ou découvert neuf agrès de suspension sur papier, et n’en utilisons finalement que trois dans le spectacle. J’ai préféré développer le langage de l’agrès de papier et de son utilisation en tant que circassienne, en le comprenant plutôt qu’en le considérant comme une trouvaille miraculeuse. Il m’a permis de faire évoluer mon écoute, et même ma façon de faire de l’acrobatie aérienne. Nous avons développé des images, des sculptures, des costumes, jusqu’au son du papier, que nous avons travaillé avec Max Bruckert, un ingénieur sonore. Nous avons également étudié le papier dans son rapport à la lumière avec Marie-Sol Kim, avec toute la gamme de transparence et d’opacité qu’il peut avoir. Par cette valorisation du travail visuel, nous nous sommes retrouvés avec énormément de matière scénique et physique avant même l’écriture du spectacle. C’était un grand challenge de faire des choix parce que nous étions évidemment très gourmands : nous avions fait tant de découvertes que nous avions envie de tout partager, de montrer plein de choses ! Et puis j’ai pris la décision, pour pouvoir tourner d’une part, au vu des considérables contraintes techniques du papier, et relativement aux choix d’écriture et de dramaturgie d’autre part, nous n’allions pas nous lancer dans une performance de 4 heures. Et puis, une autre question nous a guidés : avions-nous envie de raconter une histoire avec le papier ? Nous est alors apparu ceci que nous ne désirions pas raconter une histoire mais une myriade d’histoires, écrire quelque chose de très ouvert dans la lecture dramaturgique, ponctuée d’images poétiques très fortes, laissant une empreinte, des images chargées, équivoques. D’ailleurs, du fait de ces empreintes, la rencontre avec le public est très diverse et riche : certaines personnes y voient une allégorie de la naissance, une atmosphère très féminine, d’autres perçoivent très vivement la résonnance autour de la fragilité et des forces, tandis que d’autres encore y voient un monde aquatique, très naturel, un univers de forêts, beaucoup de matière organique, une dimension écologique. En fait, cette pièce rencontre les gens par de nombreuses voies, et c’est une grande richesse à mes yeux. Peut-être que c’est là que réside sa force.

PLI, conception et direction artistique Inbal Ben Haim. Collaboration artistique, scénographie, accessoires Domitille Martin. Collaboration artistique, ingénierie – construction papier Alexis Mérat. Création lumière Marie-Sol Kim. Création son Max Bruckert. Musique originale additionnelle Caroline Chaspoul et Eduardo Henriquez (Nova Materia). Création costume Clémentine Monsaingeon, Anaïs Heureaux. Regards extérieurs et dramaturgie Eleonora Gimenez, Shahar Dor. Assistanat mise en scène Kamma Rosenbeck. Collaboration technique et artistique Sophie Lascombes. Conseils manipulation d’objets Inbal Yomtovian. Conseils artistiques Élodie Perrin. Régie générale Yann Guénard. Régie lumière Marie-Sol Kim / Hélène Quintard. Photo Domitille Martin.

PLI est présenté du 15 au 17 décembre au TMG, en co-accueil avec la MC2: Maison de la culture de Grenoble.