Photo © Yvan Clédat ok

Clédat & Petitpierre « Toutes les œuvres que nous produisons engagent le vivant »

Propos recueillis par Wilson Le Personnic

Publié le 23 août 2021

Couple d’artistes fusionnels, Yvan Clédat et Coco Petitpierre signent depuis déjà une vingtaine d’années une œuvre transdisciplinaire qui se situe au carrefour des arts visuels et des arts vivants. De l’art paléolithique à la renaissance italienne, en passant par la peinture du XXème siècle, leur travail donne corps à des figures de l’histoire de l’art à travers d’incroyables dispositifs oniriques. Clédat & Petitpierre présente une rétrospective de leur travail à l’occasion du week-end d’ouverture de saison de L’Atelier de Paris / CDCN, l’opportunité de (re)découvrir l’œuvre de ce binôme et de s’immerger dans leur univers plastique et spectaculaire.

L’Atelier de Paris / CDCN consacre un week-end entier à votre travail, en programmant plusieurs de vos pièces. Votre recherche à la particularité de se matérialiser sous la forme de sculptures, de performances et de « pièces plateau ». Comment envisagez-vous ces différentes formes et les espaces où elles sont présentées ?

Depuis presque quinze ans, toutes les œuvres que nous produisons engagent le vivant, qu’il s’agisse de notre corps ou de celui des interprètes. La grande différence entre l’art plastique et le spectacle est une histoire de temps. Une œuvre d’art, une sculpture, une peinture sont souvent conçues pour l’éternité, leurs existences ne sont pas intrinsèquement liées à leur visibilité, à leur exposition, ou encore au nombre de visiteur·se·s présent·e·s dans la galerie. Le spectacle lui, est terriblement éphémère, il se consomme et se consume au présent, dans l’énergie des interprètes et l’attention des spectateur·rice·s. Il y a donc une obligation presque immédiate de résultat, du moins si l’on souhaite que l’œuvre ait une vie au-delà des premières représentations, et qu’elle soit programmée de manière satisfaisante. Cette relation au public est la force et le talon d’Achille du spectacle vivant. C’est pour nous une différence fondamentale au cœur même du processus de création : cette éternité rêvée pour une œuvre plastique et l’immédiateté sans cesse renouvelée d’un spectacle dont l’enjeu est ce moment instable et incertain, qui s’invente et se vit de manière très différente à chaque représentation. L’espace public, pour lequel nous avons créé plusieurs pièces, est encore une autre aventure. Ce n’est plus l’écrin du white cube, ou l’espace ritualisé de la black box qui tous deux concentrent l’attention du·de la visiteur·se/regardeur·se. L’espace public est souvent hostile : trop de bruit, trop d’agitation, trop de dispersion, trop de cohabitation. La préciosité de nos objets, leur précision, leur « netteté », sont aussi une manière de s’extraire de ces espaces compliqués, tout comme la temporalité des performances. Dans l’espace urbain, nous veillons par exemple souvent à ralentir les actions et à limiter les informations transmises. Nous essayons ainsi de créer un très léger effet de contraste, un peu comme si – si nous étions une image – l’on floutait un peu tout ce qui nous entoure.

Comment circule et se matérialise, la « notion » de sculpture dans votre recherche, entre votre travail plastique et votre travail pour la scène ? « L’image » s’envisage-t-elle différemment ? 

Notre lien au sculptural est très fort. Nous fabriquons tout nous-mêmes, y compris les objets pour la scène. Nous avons absolument besoin d’aimer ces objets (nous y incluons les costumes bien évidemment) indépendamment de leurs destinations. Nous aimons maîtriser les techniques de fabrication et le temps que nous y consacrons est souvent déraisonnable au regard des besoins réels du plateau : tout ce que nous posons sur la scène peut potentiellement prendre place dans l’espace de la galerie. Les objets sont travaillés sur toutes leurs faces et peuvent être vus de près. C’est véritablement à l’opposé des caractéristiques d’un décor de théâtre, qui est fabriqué pour être apprécié de loin, habituellement en vision frontale, et avec des lumières spécifiques. Nous nous appuyons véritablement sur cette autonomie plastique de ces objets – conçus comme autant d’œuvres posées sur le plateau – pour construire avec les interprètes la dramaturgie de nos spectacles. Tout comme les corps des danseur·se·s, ces objets ont des choses à nous dire, qui, même muettes, doivent être entendues. 

Vous allez présenter Abysse à l’Atelier de Paris / CDCN. Pourriez-vous revenir sur les origines de cette œuvre ?

Abysse appartient à notre série des « sculptures à activer » qui sont des œuvres conçues à la fois pour l’espace d’exposition et le temps de la performance. Elles fonctionnent toutes sur le même principe : l’association d’un territoire en dur (généralement de finition laquée et brillante) et de costumes volumineux recouvrant intégralement les corps. Abysse a été conçue pour le danseur et chorégraphe Sylvain Prunenec. Revêtu d’un costume ébouriffé dont les cinq extrémités effacent tout repère anthropomorphique, il donne vie à une sorte de gastéropode marin qui évolue autour et à l’intérieur d’une concrétion rocheuse évoquant une décoration d’aquarium géante. Lorsque nous avons commencé, il y a quinze ans, à produire ce type d’œuvre, l’idée était de présenter des sculptures qui, potentiellement, pouvaient être « augmentées » par le vivant le temps de performances. Nous voulions nous adresser non pas à des spectateur·rice·s mais à des visiteur·se·s, celles et ceux d’une galerie ou d’un espace muséal. La durée était très longue, l’action linéaire et ralentie, sans début et sans fin, et théoriquement nous ne souhaitions pas plus d’attention que celle généralement accordée à une sculpture. Peu à peu nous avons été programmé·e·s par les lieux de spectacle vivant, des festivals et nous avons dû modifier la temporalité des performances pour répondre à ces nouvelles problématiques de convocation du public. Depuis 2014, date de sa création, Abysse a suivi cette évolution et nous proposons maintenant des sessions plus courtes et davantage scénarisées que nous adaptons aux nombreux contextes dans lesquels la pièce est montrée : musées, théâtres, bords de mer, parcs, espaces urbains, etc.

Vous allez également présenter durant ce week-end spécial La parade moderne, une performance qui se présente sous la forme d’un défilé de sculptures. Comment cette pièce a vu le jour ?

La parade moderne a été conçue en 2013 pour la Biennale d’art Contemporain d’Anglet qui était une exposition de sculptures sur le littoral. Avant que cette commande ne nous soit faite, nous réfléchissions à un nouveau projet de « sculpture à activer » où nous voulions tous deux être des transmutations vivantes de figures de tableaux célèbres, assises face à face dans une sorte de carrosse ajouré. Le Cri d’Edvard Munch et sa bouche grande ouverte devait ainsi faire face à L’Ellipse de René Magritte avec son nez en forme de canon de fusil. Cette réinterprétation en trois dimensions de figures picturales nous intéressait beaucoup et nous avons donc décidé de multiplier cette opération afin de constituer un ensemble de dix sculptures portées sur les épaules, dont l’activation prend la forme d’un défilé. Nous avons gardé ces deux premières figures et nous nous sommes concentré·e·s sur des peintres de la première moitié du XXème siècle : Magritte, De Chirico, Brauner, Malevitch, Arp, etc. Les sculptures sont toutes très colorées et joyeuses et nous avons, en contrepoint, placé une fanfare en tête du cortège, qui, habillée de noir, joue en boucle le thème du Boléro de Ravel. Nous aimons beaucoup cette tension entre le caractère carnavalesque des figures et celui, martial et grave de la musique. Cette performance est à la fois un cours d’histoire de l’art en plein air, une parade, et une procession mortuaire qui rend hommage à tous ces artistes disparus.

Vous allez présenter Panique! à l’Atelier de Paris / CDCN. Pourriez-vous présenter ce solo conçu sur mesure pour le comédien Olivier Martin Salvan ?

Panique! a été conçu spécialement pour Olivier Martin Salvan, comédien-ogre insatiable, truculent, corpulent, et incroyablement velu ! L’idée a été de le métamorphoser en une créature monstrueuse et mélancolique, mi-homme, mi-bouc, que l’on observe vivre sans se soucier de notre présence, un peu comme Nénette – le célèbre orang-outan de la ménagerie du Jardin des plantes. Notre Pan est assis sur son bout de rocher doré, désœuvré et solitaire. Entouré des sons qui proviennent de la nature, il est traversé par de brusques pulsions sexuelles (les nymphes, les chèvres) ou ressasse intérieurement les souvenirs de son enfance de petit Pan, abandonné et jeté hors de l’Olympe. Il joue aussi un peu de flûte (de Pan) ou esquisse, comme une réminiscence anachronique, quelques pas du Faune de Nijinski.

Votre performance Les baigneurs s’inspirent des figures des « baigneurs » largement représentés dans la peinture moderne. Pourriez-vous revenir sur l’histoire de cette pièce ?

Les baigneurs est également une commande qui nous a été faite par un musée situé sur les bords du Lac Léman. Il s’agissait aussi, au départ, de la commande d’une sculpture pour le musée. Le thème de leur exposition d’été était « le bain » et notre réponse a été conceptuellement très simple, pour ne pas dire stupide ! Mais si nos œuvres sont souvent très figuratives, le sujet représenté n’est pas le sujet de notre travail. Toutes les œuvres dans lesquelles nous sommes physiquement engagés tous les deux, ne parlent que d’une seule chose : l’amour. Elles parlent de ce que c’est que d’être deux, ensemble, face à l’immensité de ce qui nous entoure. Combien tout cela est fragile, voué à la catastrophe annoncée de la disparition de l’autre. Nos baigneurs en tulle ont des joies simples. Leur petit monde est réduit à deux serviettes bleues comme la mer et un ballon jaune comme le soleil. Ils prennent des poses sur leur serviette, guettent le soleil dans le ciel, déplacent un peu leur serviette, s’allongent de nouveau, font un peu de sport (très peu), et s’embrassent (souvent).

La performance Les mariés, même semble occuper une place singulière dans votre répertoire : les interprètes ne « disparaissent » pas sous leurs costumes…

Tout comme La parade moderne et Les baigneurs, la performance Les mariés, même est le résultat d’une commande de sculpture pour l’extérieur. Dans ces deux cas, nous nous sentions incapables d’imaginer une œuvre destinée à être posée sur une pelouse. Nous nous posons à chaque fois la même question : comment résister à la proximité d’un arbre, à sa monumentalité, à sa puissance ? Notre manière de répondre à ces commandes a été de convoquer l’humain, le vivant, le mouvement. Nous avons conçu une déambulation de sculptures portées sur les épaules pour La parade moderne et, pour Les mariés, même, nous avons imaginé donner vie à ces petits couples en plastique que l’on trouve en haut des pièces montées. Le parc de Rentilly, où la pièce a été créée en 2015, étant un haut lieu de la photographie de mariage, nous avons pensé à Marcel Duchamp, et à sa Mariée mise à nue par ses célibataires, même. Comme une révérence amusée à cet immense artiste que nous adorons, nous avons mis sur pied une sorte de ready-made vivant de ces petites figurines archétypales. La performance, qui réunit jusqu’à seize danseurs et danseuses, se déroule selon un protocole très précis dont l’un des principes est la synchronisation de positions types des photographies nuptiales. Tous les couples doivent à un moment être dans l’exacte même position avec la même orientation, quel que soit leur éloignement ou leur proximité dans l’espace du parc. C’est une performance silencieuse qui peut être vue de très près (on demande aux danseurs et danseuses d’être très amoureux·ses) ou de très loin, les silhouettes noires et blanches faisant signe dans le paysage. Pour les spectateur·rice·s il y a donc un moment d’ambiguïté entre le réalisme et l’intensité des couples d’une part et, d’autre part, la temporalité ralentie des actions et les principes de synchronisation comme autant de compositions dans le paysage.

Panique! s’inspire des représentations mythologiques du dieu Pan, Ermitologie s’inspire du travail d’Alberto Giacometti, de l’art paléolithique, Max Ernst, et de la renaissance italienne. Votre nouvelle création Les Merveilles s’inspire de l’imaginaire médiéval. D’où vous viennent toutes ces références ?

Nous sommes à l’affût de toutes les transformations corporelles que nous pouvons croiser dans l’immense corpus de l’histoire de l’art. Nos projets découlent souvent d’une image, d’une peinture ou même d’une sculpture, comme cela a été le cas pour Panique! qui prenait appui sur les représentations du dieu Pan sur son fragment d’Arcadie. Lorsque ce genre de rencontre nous arrive, nous essayons de pressentir quelle forme de vie, quel potentiel chorégraphique, quelle forme d’étrangeté et quel environnement nous allons pouvoir développer au plateau. Nous ne faisons pas des spectacles savants, même si les références plastiques sont omniprésentes. Nous aimons qu’il y ait plusieurs niveaux de lectures, des entrées diverses, et aussi, de l’humour. Nous nous servons de l’histoire de l’art comme d’une gigantesque boîte à jouets, dont nous façonnons chaque trouvaille pour la faire nôtre. Dans le spectacle Ermitologie, créé en 2017, nous avons fait disparaître intégralement les interprètes à l’intérieur des costumes ainsi que nous le faisions pour nous-même dans nos « sculptures à activer ». Peu à peu, les visages des interprètes apparaissent. On les aperçoit entre les mèches de cheveux dans Les Merveilles et ils seront à certains moments totalement à vue dans Poufs aux sentiments.

Les Merveilles prend sa genèse dans la découverte d’une enluminure du Livre des merveilles de Marco Polo qui représente trois créatures fantasmagoriques. Que représentent-elles ? En quoi ces figures ont-elles arrêté votre attention en particulier ?

Il s’agit de trois créatures issues de l’imaginaire médiéval : un sciapode, un panotii et un blemmye. Ces Merveilles, ces mirabilis, appartenaient à des peuples fantasmagoriques que tout voyageur lointain devait avoir rencontré, lorsqu’il s’aventurait au-delà du monde chrétien. Perçues comme les résultats d’une recomposition divine du grand puzzle de la nature, elles étaient une sorte de recensement des possibilités naturelles et leur existence n’était nullement remise en cause. Bien que difformes et souvent composites elles n’étaient donc pas perçues comme des anomalies, des erreurs de la nature, mais bien au contraire comme l’expression de sa puissance. Jacques le Goff a écrit qu’au Moyen-Âge, il y avait « le réel matériel et le réel imaginaire » : la notion de fantastique telle que nous l’entendons n’existait pas. Tout le monde croyait à l’existence de ces créatures, y compris les auteurs-voyageurs qui les décrivaient. Et le « réel imaginaire » ! Quelle belle formule! C’est exactement ce sur quoi il nous semble si souvent travailler. Ce qui nous a beaucoup plu, aussi, c’est que ces créatures ont traversé plus de mille ans d’histoire presque exclusivement grâce à des images. La littérature les décrivant est assez rare et relativement pauvre. L’imaginaire médiéval étant très structuraliste, les textes se bornent souvent à la justification de l’existence des créatures par leur forme elle-même : le Panotii a des grandes oreilles parce qu’il dort à l’intérieur d’elles, le sciapode a un grand pied car il lui sert d’ombrelle pour se protéger du soleil, etc.

Comment avez-vous engagé votre recherche à partir de cette enluminure ?

En dehors de Marco Polo et de son Devisement du monde, (le titre original de l’ouvrage), nous avons lu tout ce que nous avons pu trouver sur le sujet, des textes antiques aux études récentes. Mais il est vrai que le corpus est somme toute assez réduit. Les analyses contemporaines se placent, quant à elles et selon leurs auteur·rice·s, soit du côté de la tératologie (discipline de l’anatomie qui s’intéresse aux malformations et aux monstruosités, ndlr.) où les monstres sont associés à une punition divine, soit au contraire, du côté du merveilleux où les créatures auraient été perçues comme des témoignages de l’extraordinaire variété de la création. Bien évidemment nous nous sommes davantage intéressé·e·s à la deuxième hypothèse !

Pouvez-vous revenir sur le processus de création ?

Les premières répétitions consistent toujours à tester des éléments de costumes qui, bien qu’étant encore dans une phase de résolution technique, nous permettent de véritablement valider notre première intuition. Avant cela, tout est empirique : on se lance dans le projet un peu tête baissée en essayant de ne pas trop s’inquiéter et en espérant qu’au moment de ces premiers essais, des potentialités de jeu vont apparaître, que notre imaginaire va s’ouvrir, et que les interprètes vont pouvoir s’emparer avec bonheur des corporéités perturbées et souvent empêchées que nous leur proposons. Après cette première étape des costumes, nous cherchons « l’être au monde » de chaque créature, sa psyché, ses relations aux deux autres créatures, à son environnement. Et c’est bien évidemment avec la créativité et le talent des interprètes que ce travail s’accomplit (ici Erwan Ha kyoon Larcher, Sylvain Prunenec et Sylvain Riéjou, ndlr.). Yan Godat et Stéphane Vecchione ont par ailleurs développé ensemble des capteurs et des interfaces spécifiques à ce projet. L’idée était que chaque créature génère son propre son. Nous voulions quelque chose de très organique, de vivant et d’instable. Avec ces capteurs et l’utilisation de la synthèse granulaire, Stéphane a créé trois signatures sonores très différenciées qui semblent être comme des matérialisations musicales de l’activité cérébrale des créatures. Le travail chorégraphique a pu ainsi s’appuyer sur ce dispositif, le mouvement et le son étant absolument liés. 

Comment est née cette scénographie de nature édulcorée ?

C’est la découverte d’une des enluminures illustrant le livre de Marco Polo qui a déclenché notre envie de créer Les Merveilles. Elle représente un blemmye, un sciapode et un cyclope au milieu d’un paysage vallonné et verdoyant. Nous avons désespérément cherché le texte se rapportant à cette enluminure mais Marco Polo ne décrit à aucun moment ces créatures ! L’illustrateur, fort de cet imaginaire médiéval largement partagé, s’est permis de convoquer quelques créatures populaires… Dans la littérature, de Pline l’Ancien à Jean de Mandeville, l’existence de ces créatures merveilleuses est toujours liée à la découverte de contrées lointaines. Elles sont donc intimement liées aux nouveaux espaces dans lesquels on prétendait les avoir aperçues. L’idée de recréer sur scène un biotope végétale nous a donc semblé évidente. Nous avons donc imaginé des sortes de cucurbitacées laquées et très glossy desquelles sortent de longues tiges souples menant à des feuilles surdimensionnées, en mousse et tissus. En cherchant quelle forme donner à ces feuilles géantes, nous nous sommes arrêtés sur celle du philodendron, très graphique et pourvue d’ouvertures, de trous. Et bien plus tard, c’est avec ravissement que nous avons découvert que le nom latin de cette plante était… monstera deliciosa ! Nous avons tenu à ce que ces feuilles soient à la fois molles et rigides, qu’elles soient accueillantes, et qu’elles aient aussi un certain poids. Nous les avons armées de pièces en aluminium qui les rendent souples et déformables facilement. Ce biotope est ainsi conçu comme un terrain de jeu. Les créatures peuvent se cacher sous les feuilles, arracher les tiges et découvrir à leurs extrémités des anémones lumineuses, faire du feu, se promener dans la jungle, et aussi s’endormir sous une voie lactée dont les étoiles sont toutes synchronisées dans un son et lumière cosmique…

La crise sanitaire a entraîné la mise à l’arrêt de la production des Merveilles pendant plus d’un an. Comment avez-vous vécu cette période ? 

Le spectacle vivant s’inscrit plus que n’importe quelle autre forme d’art dans le présent, dans une énergie partagée, le vécu d’une équipe, le corps des interprètes. Nous avons eu très peur qu’une part importante de cette énergie ne s’évapore dans l’inaction, et qu’au bout du compte Les Merveilles ait vécu sans même avoir vu le jour. Un peu miraculeusement, c’est exactement l’inverse qui s’est passé, comme si, au contraire, l’accumulation des frustrations, le bonheur de se retrouver ensemble, avaient donné plus d’intensité et de joie à la pièce. Nos partenaires ayant presque tous reporté les dates prévues, Les Merveilles va pouvoir bénéficier d’une vraie diffusion après quatorze mois de reports. Comme beaucoup d’autres artistes, nous n’avons pas cessé de travailler pendant cette période sans tournées et qui s’est révélée être très propice à la concentration et la création. Nous avons ainsi commencé à répéter notre prochain spectacle Poufs aux sentiments alors même que Les Merveilles n’avait pas encore été joué. 

Les Merveilles, conception, chorégraphie, sculptures, costumes : Yvan Clédat et Coco Petitpierre. Interprètes Sylvain Prunenec, Erwan Ha Kyoon Larcher, Sylvain Riéjou. Création sonore : Stéphane Vecchione. Création lumière Yvan Godat. Développement des capteurs de mouvement Yan Godat et Stéphane Vecchione. Assistante réalisation textile Anne Tesson. Photo 2 © Yvan Clédat.

Les 4 et 5 septembre, Clédat & Petitpierre présente un parcours en 6 spectacles à l’occasion du week-end d’ouverture de saison de L’Atelier de Paris / CDCN.