Publié le 5 août 2017
Pour certains, l’été rime avec pause bien méritée ; pour d’autres, il se poursuit au rythme des festivals. Quoi qu’il en soit, cette période constitue souvent un moment privilégié pour prendre du recul, faire le point sur la saison écoulée et préparer celle qui s’annonce. Nous avons choisi d’accompagner ce temps suspendu en proposant, tout au long de l’été, une série de portraits d’artistes. Qu’ils soient figures confirmées ou talents émergents du spectacle vivant, toutes et tous ont accepté de partager un moment d’échange à travers une série de questions-réponses. Cette semaine, rencontre avec Arthur Nauzyciel.
Quel est ton premier souvenir de théâtre ?
En maternelle, on a monté L’Oiseau de feu de Stravinsky, et cette mise en scène sur laquelle on a travaillé toute l’année a été un moment initiatique pour moi. Je me suis mobilisé pour apprendre à lire et écrire, juste pour pouvoir suivre le texte de l’histoire. On a fabriqué les costumes, puis mis en scène cette fable accompagnée de la musique de Stravinsky. J’ai été habité par cette œuvre, irrationnellement. Ça a tourné à l’obsession, presque maladive. Mais mon premier vrai souvenir de spectateur, je pense que c’est Guignol au jardin du Luxembourg, les marionnettes d’André Tahon, la fameuse Danse Russe qui m’a marqué à jamais, Papotin, Sourissimo, et cette chenille, Ploom, que je trouvais franchement flippante. À partir de là, je ne voulais plus faire que des marionnettes. En bricoler, raconter des histoires, embarquer mon frère et mes cousins, jouer devant des parents pas toujours enthousiastes. Et puis très tôt, il y a eu le cinéma. Disney, bien sûr, mais aussi les courts métrages de Chaplin, de Laurel et Hardy. Cette découverte s’est inscrite dès l’enfance, comme un désir profond de faire du cinéma. Je me souviens aussi d’un concert, ado, de Carole Laure et Lewis Furey. On n’avait pas beaucoup d’argent, alors je l’ai vu depuis le poulailler. Et j’ai encore en moi cette sensation physique du son, de la musique, de l’attention tendue vers ces petites silhouettes, si loin là-bas, sur scène. Et surtout ce sentiment diffus d’injustice : celui d’être à l’écart. Je me souviens de la tristesse de ma mère, qui n’avait pas les moyens de nous payer de meilleures places et qui pourtant se débrouillait pour qu’on y soit. Encore aujourd’hui, j’ai du mal avec cette séparation du public selon les prix des places. Ça me dérange profondément. Mais ce qui a été vraiment décisif dans mon parcours de spectateur, c’est ma première sortie dans un théâtre public. C’est la documentaliste de mon lycée aux Ulis qui arrivait à convaincre une trentaine de jeunes entre la seconde et la terminale, pour remplir un car et nous emmener voir des spectacles, une ou deux fois par mois. À l’époque, il n’y avait pas de médiation culturelle. Elle faisait ça uniquement par passion. C’était entre 1981 et 1984, et grâce à elle, on a découvert Vitez, Chéreau, Mnouchkine, Brook, Strehler, Duras, Régy, Le Grand Magic Circus… Elle n’a jamais transigé sur la qualité, ni sur l’éclectisme de sa programmation. J’en garde une trace fondamentale : toujours donner au public, surtout aux jeunes, d’où qu’ils viennent, le meilleur, le plus exigeant. Parfois, quand elle ne parvenait pas à remplir le car, elle nous promettait un concert à la fin de l’année. C’est comme ça que j’ai vu Simon et Garfunkel, les Stones ou Bowie à Vincennes. Mon premier « vrai » spectacle a donc été Britannicus de Vitez, au Théâtre National de Chaillot. Un choc. Je n’étais pas encore passionné de théâtre, j’y allais par curiosité, pour ne pas traîner à la maison un vendredi soir. Mais un choc durable s’est imprimé. Celui de la découverte d’un monde totalement nouveau, auquel je n’étais pas censé avoir accès : le théâtre. Le théâtre des adultes, des connaisseurs, des bourgeois. Le choc de la descente des escaliers de Chaillot, de la scénographie trifrontale, alors que j’attendais la scène classique avec rideaux rouges –, des acteurs aux voix et aux corps si singuliers, si peu conventionnels, qui venaient rassurer l’ado mal dans sa peau que j’étais. Il y avait aussi les voix dans la salle, les odeurs venant du plateau, le silence du public, la durée de la représentation qui s’étirait. J’ai même mis à un moment mon walkman, avec une cassette de Murray Head, et j’ai écouté Say It Ain’t So Joependant la suite du spectacle. Et paradoxalement, l’expérience n’en a été que plus forte. Probablement parce qu’elle a inscrit en moi une sensation que je cherche encore à reproduire dans mes propres spectacles. Sans le savoir, on a été profondément marqués par cette soirée. C’est ça, la force des grandes œuvres. Plus tard, mon envie de devenir réalisateur m’a mené à passer l’audition pour entrer à l’école de Vitez. Et c’est comme ça qu’en 1987, je suis devenu son élève, à Chaillot. Finalement, cette toute première expérience du théâtre aura été fondatrice. Elle a décidé du reste de ma vie.
Quels spectacles t’ont le plus marqué en tant que spectateur ?
À la même époque, j’ai eu la chance de voir ce qui se faisait de mieux à Paris. Certains spectacles m’ont marqué plus que d’autres, souvent à cause de la manière dont l’espace était utilisé, ou parce que je voyais pour la première fois « en vrai » des acteurs que j’aimais au cinéma. Il y avait aussi ce sentiment d’entrer dans les coulisses du théâtre, d’accéder à sa fabrication. Je pense par exemple au bifrontal de Combat de nègre et de chiens aux Amandiers, mis en scène par Patrice Chéreau en 1983, avec Piccoli et Léotard sur le plateau, et Fanny Ardant et Koltès au bar. Ou Les Paravents, encore de Chéreau, la même année : j’étais saisi par la présence d’acteurs dans la salle, mais aussi par celle de putes et d’Arabes sur scène, et par l’écriture de Genet. Sa mise en scène de La Fausse Suivante en 1985, avec Jane Birkin, m’a bouleversé. Elle y donnait tellement d’elle-même. Et puis Terre étrangère de Bondy (1984), avec Piccoli encore, et Bulle Ogier qui jouait au tennis sur un véritable terrain de jeu installé sur scène. Il y avait aussi la Cartoucherie. J’y allais voir Mnouchkine, qui déchirait les billets à l’entrée. J’adorais m’asseoir en haut à droite du gradin, là où je pouvais observer les acteurs se préparer avant d’entrer. Peu à peu, je me suis attaché aux lieux, à leurs atmosphères, à leurs esthétiques – même si je ne mettais pas encore de mots dessus. Chaque théâtre avait son identité propre, son rapport particulier au public, beaucoup moins formaté qu’aujourd’hui. J’avais entre 14 et 17 ans, et c’est à travers toutes ces expériences que j’ai commencé à me construire une culture théâtrale. Mon désir « d’en faire partie » a grandi, même si c’était encore très inconscient. Mais l’expérience vraiment fondatrice, ce sera Savannah Bay au Rond-Point, mis en scène par Marguerite Duras. Avec Madeleine Renaud, cette légende vivante dont mon père me parlait souvent, et Bulle Ogier, plus proche de moi et de mes goûts cinématographiques qui étaient en train de se former. J’ai vu ce spectacle deux fois : à sa création en 1983, puis à sa reprise, qui coïncidait dans mes souvenirs avec la mort de Pascale Ogier, la fille de Bulle, devenue une icône de ma génération grâce au film de Rohmer Les Nuits de la pleine lune. Je n’oublierai jamais la sensation foudroyante provoquée par la résonance entre le texte et la réalité biographique. Il y avait dans l’air une épaisseur, un trouble : celui de la fiction traversée par le réel, la biographie de l’actrice qui venait perturber ma perception du spectacle. Cette sensation, et la capacité des mots à convoquer et ressusciter les absents, deviendront plus tard le cœur de mon travail de metteur en scène : cette quête du mystère, de la porosité entre réel et fiction. Un soir, en 2009, Bulle est venue assister à un filage de Ordet, mon spectacle présenté au Théâtre du Rond-Point. Il racontait comment la parole peut faire revenir les morts. Et il se jouait sur le même plateau où je l’avais vue jouer Savannah Bay vingt ans plus tôt. Elle était assise juste devant moi. La boucle se bouclait. En regardant ce filage à travers ses yeux à elle, mon souvenir de spectateur adolescent s’est mêlé à une nouvelle émotion, très intime, qui donnait à mon travail une forme de légitimité, de sens profond.
Quelles rencontres artistiques ont été les plus importantes dans ton parcours ?
Il y en a eu beaucoup, mais je commencerais par Damien Jalet, danseur et chorégraphe, que j’ai rencontré en 2003. En 2006, on a créé L’image de Beckett ensemble, il y était interprète. J’aime son parcours, son érudition musicale et chorégraphique, son regard sur le théâtre. Après cette première collaboration, je l’ai invité à me rejoindre à Boston, à l’American Repertory Theater, où je montais Julius Caesar avec des acteurs américains. Il devait régler un combat et une chorégraphie de groupe. Ce fut un dialogue passionnant : il trouvait des gestes qui remplaçaient les mots, une grammaire corporelle qui donnait du sens. Depuis 2008, on travaille ensemble sur presque toutes mes créations. On a inventé une forme de langage très singulier, qui a fini par définir mon théâtre.
Il y a aussi Xavier Jacquot, mon créateur son, qui travaille avec moi depuis le début. Le son est un matériau fondamental pour moi. Avec lui, on mène une recherche continue, de spectacle en spectacle. Travailler avec le décorateur Riccardo Hernandez et l’éclairagiste Scott Zielinski, tous deux américains rencontrés aussi sur Julius Caesar, m’a permis de sortir d’une esthétique française qui m’était trop familière. Leur approche, très ouverte, très visuelle, m’a aidé à penser les spectacles à grande échelle, parfois presque comme du cinéma. Et puis il y a eu Miroslaw Balka, l’artiste polonais qui a signé la vidéo au cœur de Jan Karski. Notre rencontre, en Pologne, a été marquante. Son travail est puissant, radical, très sensible. Pour des raisons que je ne m’explique pas, il est encore peu visible en France. C’est un immense artiste et une belle personne. Je pourrais encore citer Marie Darrieussecq, Marcel Pérès, Sjón, José Lévy, Barði Jóhannsson, Keren Ann, Gaspard Yurkievich, Winter Family, Matt Elliott, Valérie Mréjen, Pierre Alain Giraud… Avec chacun d’eux, j’ai appris, exploré, déplacé mon regard, ouvert de nouveaux territoires artistiques. Et bien sûr, les actrices et les acteurs. Mon travail se fait avec eux, parfois à partir d’eux. Laurent Poitrenaux, Pascal Greggory, François Chattot, Xavier Gallais, Christine Fersen, Marie-Sophie Ferdane, Catherine Vuillez, Adèle Haenel… L’actrice coréenne Moon So-Ri. Et les acteurs américains avec qui je travaille depuis longtemps. On a monté Splendid’sde Genet ensemble, pour faire grandir notre travail commun. Ce sont, vraiment, des frères et des sœurs d’armes.
Peux-tu partager certaines œuvres qui composent ton panthéon personnel ?
Je vais en citer beaucoup, parce que ça me fait plaisir de les évoquer, et que ça peut donner à d’autres l’envie de les (re)découvrir. Il y a eu très tôt le choc du cinéma : Peau d’âne de Jacques Demy, Chantons sous la pluie de Stanley Donen, et surtout Bugsy Malone d’Alan Parker, cette comédie musicale inspirée des films de gangsters, mais jouée par des enfants. Ça m’a permis de me dire que moi aussi, je pouvais « en être ». Puis La fièvre du samedi soir m’a rendu fou. Et Truffaut, que j’apprenais par cœur. Fassbinder, Godard, Dis-moi de Chantal Akerman, 10 de Kiarostami, La Jetée de Chris Marker, Ozu, Sirk, Cimino, Murnau… Côté acteurs, Catherine Deneuve, Jeanne Moreau, Delphine Seyrig, Jean-Pierre Léaud, Charles Denner, Michel Piccoli. Et au théâtre : Philippe Clévenot, Hélène Lapiower… Parmi les spectacles, il y a eu La classe morte de Kantor, Hamlet et La Mouette, Le Soulier de Satin mis en scène par Vitez dans la Cour d’honneur du Palais des Papes – mon premier Avignon comme spectateur. Tout Grüber, notamment Le Récit de la servante Zerline avec Jeanne Moreau. Et puis Les Six Personnages en quête d’auteur, Le Bal masqué de Lermontov par Vassiliev, La Mort de Tintagiles de Maeterlinck par Claude Régy – un choc total. Mademoiselle Julie de Langhoff. Giulio Cesare et Voyage au bout de la nuitde Castellucci. Mesure pour mesure et La Cerisaie de Zadek. La reprise bouleversante de 1980 de Pina Bausch. Tous ses spectacles m’ont marqué, mais Nelken en particulier. J’ai aussi adoré tout Forsythe, mais le premier que j’ai vu, Impressing the Czar et le fameux Bongo Bongo Nageela, a été un électrochoc. Il y a eu aussi Mozart / Concert Arias (1992) d’Anne Teresa De Keersmaeker, Alain Buffard, Strange Fish de DV8… Et puis les découvertes faites en revenant à Paris après mon bac : Bacon à la Tate Gallery, les performances de Michel Journiac, Annette Messager, Derek Jarman, les journaux intimes en super 8 de Joseph Morder, les concerts de Tuxedomoon et New Order… Le travail de ces artistes a été initiatique. Il m’a aidé à me construire, pas seulement artistiquement, mais aussi profondément.
Quels sont, selon toi, les enjeux du théâtre aujourd’hui ?
Je crois encore profondément en la puissance du théâtre et en sa pertinence dans le monde contemporain. À l’heure où notre pays traverse une crise identitaire, où l’on veut définir ce que serait « être français », je crois que ce qui nous réunit, c’est la langue. Or, on n’est pas tous égaux face à elle. Redonner le goût de la langue, faire entendre sa richesse, c’est une urgence. Parce que maîtriser la langue, c’est maîtriser le monde. Mon théâtre est un théâtre de texte, un théâtre de parole. Paul Virilio disait : « La première façon de s’aimer, c’est la parole. » Je crois à une parole réparatrice et nécessaire, où le texte compte autant pour son sens que pour sa forme. Aujourd’hui, le danger, c’est que sous prétexte de répondre à des enjeux sociétaux, certains spectacles laissent de côté la forme. Le message « bien-pensant » vient parfois justifier la pauvreté artistique. Mais c’est une erreur : la forme est politique. Elle est même le cœur du geste artistique. Il faut repenser la scène, l’inventer, avec les outils qui lui sont propres. Le théâtre doit pouvoir se réinventer par le plateau, en puisant dans tous les arts pour renouveler sa langue et son esthétique. Nos spectacles devraient aussi mieux refléter la diversité du monde. Pour que le public puisse s’y reconnaître. En France, on a du retard sur ces questions, mais les choses bougent. Il y a une vraie prise de conscience. Et puis, il y a des menaces concrètes. Le retrait de 50 millions d’euros du budget du ministère de la Culture, le fameux rapport Bonnel qui propose de prélever un euro sur chaque billet vendu dans le théâtre public pour financer le théâtre privé… C’est hallucinant. Cette année marque les 70 ans des Centres Dramatiques Nationaux. On sent que les directrices et directeurs de CDN sont en train de se mobiliser. Et c’est vital.
Quel rôle un artiste doit-il avoir dans la société aujourd’hui ?
Ni plus ni moins que celui de tout citoyen. Mais l’art a, à mes yeux, une vraie fonction sociale. Je ne sais pas si le théâtre peut changer le monde, ou même les gens, mais je crois qu’il peut aider. Il peut accompagner, éclairer, ouvrir. Et pour moi, le rôle de l’artiste dans la société est indissociable de sa pratique artistique. Je ne me reconnaîtrais pas si je n’étais vu que comme un metteur en scène reconnu. C’est mon désir d’engagement dans cette période charnière qui m’a poussé à diriger le TNB. La grande différence entre mener une carrière en compagnie et diriger un CDN, c’est qu’en tant que directeur, tu peux réellement avoir un rôle politique et social. Tu peux construire un public, agir sur un territoire, faire exister une pensée, une esthétique, dans un espace commun. Alors que tout est de plus en plus envahi par une sorte de réalisme télévisuel et par le culte du divertissement, je crois qu’on a, nous artistes, une responsabilité : proposer autre chose. Un théâtre d’art, comme on le disait au début du XXe siècle. Un théâtre qui invente ses formes, prend des risques, s’éloigne de l’opinion dominante. Un théâtre exigeant, oui, mais qui respecte le spectateur. Qui le considère comme un être sensible, intelligent, curieux. Je pense que les gens viennent au théâtre en cherchant, sans le formuler toujours, quelque chose de plus grand que le réel : une forme de métaphysique, plus que de psychologie. Et j’essaie de leur offrir un espace pour y accéder. L’art, c’est un effort collectif. Une communauté humaine réunie autour d’une tentative de dire, de comprendre, de sentir. C’est ce qui nous aide à vivre. J’aime beaucoup cette phrase de Warhol : « Peu de gens ont vraiment vu mes films ou mes peintures. Mais peut-être que ces rares personnes sont plus conscientes de leur existence, parce qu’elles ont été poussées à réfléchir sur elles-mêmes. » Il faut apprendre à vivre, car la vie est éphémère. Et souvent, elle se termine trop vite. Le théâtre, lui, nous rappelle cela. Et il nous le fait partager.
Photo Frédéric Nauzyciel
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