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César Vayssié « J’ai envie d’un art qui déconne »

Propos recueillis par François Maurisse

Publié le 17 juillet 2017

Pause estivale pour certains, tournée des festivals pour d’autres, l’été est souvent l’occasion de prendre du recul, de faire le bilan de la saison passée, mais également d’organiser celle à venir. Ce temps de latence, nous avons décidé de le mettre à profit en publiant tout l’été une série de portraits d’artistes. Figure établie ou émergente du spectacle vivant, chacune de ces personnalités s’est prêté au jeu des questions réponses. Ici, l’artiste César Vayssié.

Si depuis 1992 César Vayssié réalise des films expérimentaux entre fiction et documentaire, il n’en est pas moins profondément marqué par le spectacle vivant. À partir de 1995 il collabore avec Odile Duboc, avec Philippe Decouflé, puis Boris Charmatz, Dimitri Chamblas, Philippe Quesne, ou dernièrement François Chaignaud. Depuis 2015, il investit directement les plateaux, en concevant UFE Performance, le pendant performatif de son film fleuve UFE(UNFILMÉVÈNEMENT). Artiste associé à la Ménagerie De Verre à Paris, il y a présenté cette année Coproud avec Olivia Grandville.

Quel est votre premier souvenir de danse ?

Si je considère l’enfance, le premier souvenir se situe au foyer des jeunes de Neuvic (Corrèze), une histoire de trop de sel dans la soupe, un club théâtre auquel je participais, je devais avoir 5 ans. Je ne me souviens plus. J’ai quelques souvenirs plus sérieux du Grand Magic Circus de Jérome Savary à la fin des années 70. Et puis, un vrai souvenir, Jours Étranges de Dominique Bagouet en 1992 ou 93.

Quels sont les spectacles qui vous ont le plus marqué en tant que spectateur ? 

Le K de E de Xavier Marchand et Olivia Grandville en 1993 au festival Nouvelles Scènes de Dijon. Un souvenir un peu fou de la période Gibiers du temps de Didier-Georges Gabily, puis l’été 96 juste avant sa disparition, je trainais autour du groupe T’chang’G alors qu’il répétait à Nanterre. Ce n’est pourtant pas du tout une esthétique qui me correspond. The Show Must Go On de Jérôme Bel. Con forts fleuve de Boris Charmatz m’a beaucoup marqué. Un souvenir marquant, l’horrible Régi du même Charmatz en 2006. J’avais détesté détester ce spectacle.

Quels sont vos souvenirs les plus intenses parmi les projets auxquels vous avez collaboré ?

La rencontre et le travail avec Odile Duboc et Françoise Michel, grâce à Eric Colliard, en 1992-95. Le tournage de Elvis De Médicis à la Villa Médicis à Rome, co-écrit avec Yves Pagès l’été 1997. Le tournage du film Les Disparates que j’ai réalisé d’après la chorégraphie de Boris Charmatz et Dimitri Chamblas. Tournage en 35mm à Dieppe avec Boris Charmatz en 1999. Bocal, l’école nomade de Boris Charmatz, la période dans les Alpes sous trois mètres de neige, on filmait la nuit Tarkos Training. La création de Big Bang avec Philippe Quesne en 2011 à Berlin puis Avignon et une année en tournée. Le tournage de The Sweetest Choice dans la Death Valley en Californie avec François Chaignaud en mars 2015.

Quelle rencontre artistique a été la plus importante dans votre parcours ? 

La rencontre avec l’équipe du Consortium de Dijon,  Eric Colliard, Franck Gautherot et Xavier Douroux. Xavier vient de nous quitter, c’est une perte immense. La rencontre avec Boris Charmatz en 1994. Plus tard la rencontre avec Philippe Quesne et la dynamique de la collaboration qui s’en est suivi. Cela m’a recentré sur mon travail et permis l’aventure UFE(UNFILMÉVÈNEMENT). Yves-Noël Genod est depuis longtemps dans mon champs de vision, sa présence est importante.

Quels sont les enjeux de la danse/du théâtre aujourd’hui ?

Produire l’exemple vivant, avec une forme poétique inédite, d’un passage à l’acte ou d’une prise de décision, individuelle ou collective. Montrer cet exemple pour en susciter d’autres. La somme de ces exemples formera peut-être l’idée d’une existence vivable. Cela n’exclut ni le rire, ni les larmes, ni le grotesque, ni la virtuosité.

À vos yeux, quel rôle a/doit avoir un artiste dans la société aujourd’hui ?

L’artiste n’a aucun rôle dans la société aujourd’hui. Pas moins, pas plus qu’une personne qui n’est pas artiste. J’aurais espéré qu’il puisse rendre la société plus juste, moins absurde, moins débile, mais ce n’est pas le cas. Espérons qu’il puisse, au mieux, incarner une forme d’honnêteté. Je reste néanmoins optimiste sur certaines prises de conscience quand elles émergent de l’absurdité des choses. J’ai envie d’un art qui « déconne », dans tous les sens du terme, pour voir comment cela est perçu. Ma prochaine création EXEMPLE ira dans cette direction.

Photo © Marc Domage