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Trisha Brown : In Plain Site

Par Wilson Le Personnic

Publié le 21 septembre 2016

Figure incontournable de la danse postmoderne américaine et membre fondatrice du Judson Dance Theater à New York, Trisha Brown (née en 1936, rappelons-le) est invitée depuis plus de quarante ans en France. Retirée de la direction de sa compagnie fin 2012 pour raisons de santé, la chorégraphe a confié à Diane Madden (entrée dans la compagnie en 1980 et directrice des répétitions dès 1984) et Carolyn Lucas (rejointe en 1984, assistante à la chorégraphie dès 1993), désormais directrices artistiques associées, le soin de faire vivre son œuvre à travers de nouveaux projets de transmission. Sous l’égide de quatre grandes institutions culturelles parisiennes, et dans le cadre des Journées du Patrimoine, la Trisha Brown Dance Company a présenté à Paris, du 17 au 19 septembre derniers, une sélection de pièces in situ du programme Trisha Brown: In Plain Site.

À l’instar de ses compatriotes Lucinda Childs, Simone Forti ou Yvonne Rainer, Trisha Brown a engagé dès les années 2000 un travail de reprise et de relecture de ses œuvres fondatrices. Ces reconstructions trouvent aujourd’hui une résonance nouvelle dans des espaces scéniques inhabituels, prolongement naturel de ses expérimentations dans les années Judson. Le temps d’un week-end exceptionnel, le public parisien a ainsi pu retrouver, dans des architectures toujours en dialogue avec les propositions chorégraphiques, un aperçu vibrant des grands enjeux du travail de Brown : fluidité, gravité, circulation.

Dans une salle du Musée d’Art Moderne de Paris, huit danseurs en costumes blancs ont présenté Geometry of Quiet(2002) et trois extraits : Interval 2 (2000), Groove and Countermove (2000) et Line Up (1976), avant de migrer vers les jardins du Palais Galliera. Sous un soleil de plomb, l’équipe y a interprété I am going to toss my arms—if you catch them they’re yours (2011), toute dernière création de Brown, ainsi que Scallops (1973), Group Primary Accumulation (1973) et le désormais culte Spanish Dance (1973) pour cinq danseuses. Le lendemain, à quelques pas de là, deux pièces emblématiques, Group Primary Accumulation with Movers (1973) et Accumulation (1974), ont investi l’escalier monumental et le foyer du Théâtre National de Chaillot.

Dans le cadre d’une Soirée Nomade à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, sept danseurs de la compagnie ont proposé un parcours à travers jardins et salles d’exposition. Extraits de pièces majeures des années 80-90 (Astral Convertible, Newark, For M.G: The Movie, Foray Forêt) et performances plus anciennes (Leaning Duets, Watermotor, Sticks IV, Sticks II) ont alterné, révélant à la fois la richesse formelle et l’extrême cohérence de l’univers de Brown. Ces performances, accessibles autant aux néophytes qu’aux connaisseurs, mettent en lumière les principes fondateurs de son écriture : accumulation, alignement, déséquilibre, contrepoids, horizontalité, verticalité.

Exception faite du sublime Man Walking Down the Side of a Building, présenté pour la première fois en France sur la façade vitrée de la Fondation Cartier, ce programme Early Works reprenait pour l’essentiel des performances déjà données à Paris, notamment au Festival Paris Quartier d’Été 2008. Rien d’inédit donc, mais le plaisir de (re)découvrir le langage fluide et radical de Trisha Brown dans de nouveaux paysages architecturaux reste intact, continuant de résonner au présent. À l’image du magnifique Roof Piece (1971), présenté en 2015 pour la première fois en dehors des États-Unis, sur les toits de Pantin autour du Centre National de la Danse, et qui, jusqu’alors, n’avait connu que la skyline mythique de Manhattan.

Photo © Service culturel Musée d’Art Moderne.