Par Wilson Le Personnic
Publié le 1 juillet 2024
Entretien avec Erwan Keravec
Propos recueillis par Wilson Le Personnic
Juillet 2024
Erwan, tu développes tes propres projets depuis maintenant de nombreuses années. Comment décrirais-tu ta recherche artistique ?
Je joue de la cornemuse et je travaille à de nouvelles formes impliquant cet instrument. Cela englobe la musique improvisée, la musique contemporaine et des collaborations avec des chorégraphes. L’instrument a été longtemps au centre de mon travail. Puis, mon propre déplacement a pris le dessus. Aujourd’hui, l’identité est un sujet qui m’intéresse. Bien que je ne questionne pas le répertoire traditionnel, je me sens toujours dans cette filiation. Cette forme de pratique collective qui est perpétuellement transformée par des individus.
IN C // 20 SONNEURS est une mise en espace de In C de Terry Riley. Comment ton intérêt s’est-il focalisé sur cette pièce musicale en particulier ?
En 2015, par extension de mon travail en solo, j’ai monté un quatuor de sonneurs dédié à la création contemporaine. Puis, j’ai voulu étendre cette envie en me rapprochant d’une forme orchestrale. Je voulais en garder la puissance et l’homogénéité du timbre. Par contre, contrairement à un orchestre classique, je ne voulais pas travailler avec des pupitres ou une partition commune. J’avais plutôt à l’esprit un orchestre de solistes. IN C est l’œuvre parfaite pour cela. Une partition unique où chacun·e avance et trouve sa place.
Créée en 1964, In C est présentée comme la première œuvre du courant de la musique minimaliste. Peux-tu présenter sa spécificité ?
In C est composé de 53 patterns que chaque musicien·ne joue autant de fois qu’il·elle veut avant de passer au suivant. Riley indique qu’il ne faut pas être trop en avance ou trop en retard sur la partition par rapport aux autres. Il indique aussi que si un instrument ne peut pas jouer un pattern, alors il faut passer au suivant. Cette forme d’écriture est éminemment politique : des individus constituent un groupe qu’ils co-gèrent, sans chef… Soixante ans plus tard, ce dispositif continue de faire écho à l’actualité.
Les musicien·nes sont debouts sur des estrades installées en cercle. Peux-tu partager l’histoire et la dramaturgie de cet espace ?
Ce cercle est un espace de jeu pour les musicien·nes, qui les isolent autant qu’il les unit. Il est aussi un espace de liberté pour les spectateur·rices. Chacun·e peut choisir qui regarder/écouter, par qui l’oreille ou le regard sont attirés. Sur le même principe de la liberté donnée aux musicien·nes, j’avais envie d’isoler le·la spectateur·rice du groupe et lui proposer de choisir de vivre ce moment à l’intérieur ou à l’extérieur, en mouvement ou statique, debout, assis·e ou couché·e.
C’est la première fois que tu mets en scène une forme orchestrale que tu « montes » toi-même. Peux-tu partager un aperçu du processus musical et sonore d’IN C // 20 SONNEURS ?
La première question a été de choisir entre In C ou In Bb. Nos instruments ne sont pas en Do mais en Si bémol. Par chance, nous avons pu embarquer avec nous les luthiers Tudual Hervieux et Jorj Botuha qui ont fabriqué un ensemble d’instruments nous permettant de jouer dans la tonalité d’origine. Il a fallu, entre autres, qu’ils créent une nouvelle bombarde baryton. Je me suis attaché à respecter l’unité de timbre. Voilà pourquoi j’ai fait le choix de travailler qu’avec des sonneurs. Les instruments sont répartis entre une moitié de cornemuses (instruments à poches) et une partie de bombardes (hautbois traditionnel breton) que j’ai alternés sur l’ensemble du cercle. Les musicien·nes sont ainsi répartis pour pouvoir glisser et faire apparaître des masses sonores qui se submergent. Un des gros enjeux a été de trouver comment avancer dans la pièce sans partition commune. Si Riley demande à chacun·e d’être ni trop en avance ni trop en retard dans la partition, cela fonctionne si les musicien·nes entendent bien l’ensemble. Ce qui n’est pas le cas dans ce dispositif. Le cercle crée un flou pour les musiciens. J’ai donc imaginé un code pour qu’iels puissent co-gérer l’avancement dans l’œuvre tout en respectant l’idée qu’il n’y ait pas de chef·fe dans cette co-direction entre les interprètes.
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