Photo © Florent Garnier

Vacances vacance, Ondine Cloez

Par Leslie Cassagne

Publié le 16 avril 2019

A l’oreille, Vacances vacance sonne comme le double lointain d’une chanson des années 80…  On pense à Desireless, aux accords de synthétiseur, à l’invitation à voler dans les hauteurs. Quand on se met à fredonner Voyage voyage, on est tout de suite un peu exalté… Dans la pièce d’Ondine Cloez, en revanche, pas d’horizons exotiques : enlevez leur “s” aux vacances, et vous vous retrouvez face au vide. Partir en vacances, c’est laisser une vacance : un trou, un espace sans nous. 

Ondine Cloez assume donc de travailler à partir du vide, et tant pis si ça semble un peu déceptif. Sur le plateau, il n’y a rien de très spectaculaire. Pratiquement rien, d’ailleurs. Une grande fille rousse habillée en couleurs pastels attend patiemment que le public s’installe. Il est impossible de lui donner un âge, elle est comme figée à mi-chemin entre l’enfance et l’adolescence, plutôt pas très bien coiffée, et l’air pas concerné par grand-chose. Elle aurait pu nous convoquer devant cette scène vide pour mieux nous laisser en plan, et nous aurions fait l’expérience radicale de la vacance. Mais la pièce dit autre chose : si l’on est un peu attentif, l’on s’aperçoit qu’il y a toujours quelque chose qui existe dans le vide. Quelque chose de très subtil, à l’image de ce minuscule arc-en-ciel qu’Ondine fabrique en laissant la lumière traverser un petit cristal transparent. Mais pour voir ça, il faut décaler son regard, aller au-delà de la main qui tient la pierre et observer ce qui se diffracte un peu plus loin…

C’est justement une série de situations de décalages – par rapport aux autres, par rapport à son propre corps ou à ses gestes – que nous fait traverser le récit que déploie Ondine. Celui-ci se construit par dérivations, un peu comme ces comptines-anadiploses dans lesquelles la dernière syllabe d’une strophe devient la première de la suivante. Sans trop s’en rendre compte, on a circulé de ses théories sur les vacances à une tentative de danser en étant un peu en retard sur corps, en passant par des expériences de near death experience et de prise de peyotl. Si Ondine ne sature pas le plateau de gestes, son récit devient en revanche une drôle de danse, reposant sur les pas-chassés de ses anecdotes.

Vacances vacance laisse une sensation étrange. On a l’impression d’avoir réalisé un voyage mental, de s’être baladé dans un cours de philo activant nos propres souvenirs, mais on se demande finalement : cette fascination pour ces moments en dehors de soi témoigne-t-elle d’une incapacité à être vraiment dans son corps ? A l’habiter, le mobiliser, l’activer ? Il peut naître une certaine mélancolie à observer la petite boule à facettes qui intervient un instant dans la pièce. D’une taille dérisoire, loin de la scène, comme le souvenir distant d’une fièvre disco, elle ne nous engloutit pas dans d’enivrantes paillettes qui nous appelleraient à entrer dans des mouvements frénétiques. Elle forme quelques petites taches qui dansent sur un plateau vide et pas très agité, poussant à prendre le parti de la méditation…

Vu au Théâtre Gymnase – Bernardines, dans le cadre du festival Parallèle à Marseille. Création, interprétation Ondine Cloez. Création lumière Vic Grevendonk. Dramaturgie, conseil à l’écriture Marine Bestel. Regards extérieurs Sara Manente, Sabine Macher. Photo © Florent Garnier.