Photo Chris Randle

Unwrapping culture, Pichet Klunchun & Alvin Erasga Tolentino

Par Margot Baffet

Publié le 30 octobre 2015

Malgré la globalisation d’une culture désormais sans frontière, la création contemporaine s’attache encore à ses racines. Unwrapping Culture est représentative de ces identités culturelles qui se réinventent et fleurissent de leurs origines par une ré-actualisation décalée. Dans ce spectacle, la danse Khon est donnée à voir dans un contexte de performance immersive dans laquelle le public circule librement dans le décor. D’origine thaïlandaise et canado-philippine, Pichet Klunchun et Alvin Erasga Tolentino forment un duo de performeurs étonnant qui traite cette problématique identitaire d’aujourd’hui.

Se jouant des icônes religieuses dénaturées que l’on trouve dans les pays asiatiques touristiques, le duo évolue dans un bazar de toc et de plastique. Entre bruits électroniques frénétiques et saturation de couleurs fluorescentes, le décor nous immerge dans une culture populaire d’Asie où le clinquant est roi. Des jouets interactifs et des fétiches anecdotiques recouvrent le sol en profusion. La musique kitsch nappe également d’ironie ce royaume fictif où le ludique côtoie allègrement le sacré. C’est dans ce chaos absurde qu’est interprétée la noblesse de la danse Khon. Traditionnellement dansée à la cours royale en Thaïlande, elle est ici réinterprétée avec des codes contemporains.

Le choc des cultures contribue à une oeuvre vivante hybride qui attire inévitablement notre curiosité. On entrevoit implicitement une critique de cette surconsommation insensée qui vulgarise souvent les arts ancestraux. La distraction désacralise cette danse ancienne avec exubérance: les deux performeurs conditionnent habilement leur public à l’euphorie du jeu. Avec la force des potentialités scéniques, Pichet Klunchun et Alvin Erasga Tolentino parviennent à nous introduire dans ce « fast-mood » : le sacré se subtilise au profane et le spectateur est amené à consommer l’instant d’euphorie. Le procédé d’immersion est réussis, l’électrisation du public opère grâce à l’intensité de jeu des comédiens-danseurs.

Cet emballage de culture est traité sous un angle original, et l’esprit déjanté de la performance amène les questionnements sociaux sur un terrain inattendu. La particularité des décors nécessite néanmoins une grande habilité logistique de la part des interprètes, qui peut parfois parasiter l’intention des spectateurs. Malgré cette mise en scène risquant l’impatience de l’audience, le parti-pris visuel reste étonnant. Les deux compagnies de danse ont su allier leur style harmonieusement, tout en réinventant audacieusement leurs codes pour cette représentation transculturelle unique en son genre.

Vu à MAI (Montréal, arts interculturels). Photo © Chris Randle.