Photo benjamin lebreton

Singspiele, Maguy Marin

Par Wilson Le Personnic

Publié le 21 novembre 2014

Les doigts glissent sur le papier, saisissent le coin et l’agrippent. Délicatement mais avec détermination, les doigts exécutent une légère pression avant de tirer la feuille. Se détache alors du bloc de papier un premier visage. Ces mains tâtonnent, cherchent comme celles d’un homme frappé de cécité. Des vêtements abandonnées attendent, sur des saillies, d’être empoignés et enfilés. Cet homme aux multiples visages va lentement se vêtir et endosser une série de costumes. Vestiaire hétéroclite et bigarré : chemise, pantalon, escarpins, manteau, écharpe, robe, tunique chinoise… autant de secondes peaux chargées d’histoires et d’anecdotes personnelles.

Singspiele résonne avec les écrits du philosophe Émmanuel Levinas « la manière dont se présente l’Autre, dépassant l’idée de l’Autre en moi, nous l’appelons, en effet, visage. » Les visages héritent de ceux qui les précédent. Comme dans une longue rue traversée par des piétons, nous rencontrons des regards qui parlent, des expressions qui trahissent une envie de sourire. Sans voix, sans narration, sans mots, Singspiele nous raconte des micros-histoires. L’interprète endosse des identités différentes, change d’attitude, glisse d’un visage à l’autre, se métamorphose le temps d’une respiration.

Couche après couche, les vêtements révèlent notre subjectivité et notre besoin de projection : de nouvelles lectures apparaissent à chaque transformation. Tandis que les portraits se dégrafent et jonchent le sol, notre intérêt se porte sur les visages progressivement démasqués : hommes et femmes, célèbres et anonymes. Interprète pour les reprises de May B et Umwelt, David Mambouch incarne à lui seul une foule, un mille-feuille de visages. Mêlés les un aux autres, ces portraits perdent de leur singularité et deviennent une population, une masse sans identité. Maguy Marin signe avec Singspiele une pièce radicale et audacieuse mais la performance devient vite laborieuse. Une réitération sans surprise et fastidieuse.

Vu au Festival Mettre en scène. Conception Maguy Marin. Avec David Mambouch. Scénographie Benjamin Lebreton. Lumière Alex Bénéteaud. Photo Benjamin Lebreton.