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Quartiers libres, Nadia Beugré

Par Margot Baffet

Publié le 12 mai 2015

Déterminée à suivre des cours de danse dans un environnement pourtant défavorable, la danseuse et chorégraphe Nadia Beugré témoigne aujourd’hui de tout l’engagement artistique qu’elle porte en elle. Dans cette singulière performance, le public ne reste pas indifférent à cette liberté tant revendiquée. La vitalité effrontée de cette artiste ivoirienne nous touche en plein coeur et nous amène à considérer notre propre prise de position au sein de la société.

Ce fameux libre-arbitre commence d’ailleurs par la place que chacun de nous choisit dans la salle lorsque celle-ci est dépourvue de scène frontale. La jeune femme n’hésite pas à profiter de cette configuration d’espace pour semer le trouble parmi le public. Alors que les spectateurs s’installent tout juste en attendant la représentation, elle apparait là où on ne l’attendait pas. C’est d’abord sous des airs de diva clownesque qu’elle se présente, assumant pleinement le ridicule de la situation. Mais bien vite ce semblant de spectacle pailleté tourne en performance plus engagée….

Simple mais efficacement symbolique, le décor se résume à un mur et une accumulation de bouteilles en plastiques vides formant un tas et une cloison mobile. La performeuse évolue seule dans cette mise en scène digne d’une oeuvre d’arte povera, n’hésitant pas à choquer son public par les entraves corporelles qu’elle s’inflige tout au long du spectacle. C’est sous nos yeux que ce fort tempérament vas alors s’émanciper, s’exprimer et révéler ses qualités d’interprète anticonformiste. Sans souci d’apparat, elle se libère de ses atours de star trop fantasmés pour mieux danser. Sans peur, elle plonge dans l’amas de rebuts en plastiques, s’en revêt, et l’avale à la limite du vomissement. Sans complexe enfin, elle témoigne de son engagement total dans cette lutte. Lutte contre elle-même, mais aussi certainement contre l’oppression sociale. Pourtant, dans l’entrain sonore du groupe belgo-congolais Zap Mama, la danse devient salvatrice. Elle représente pour l’artiste comme pour notre regard de spectateur une bouffée d’oxygène, un élan d’énergie viscérale présente en chaque être humain.

Nadia Beugré explore dans ses débuts un parti-pris scénique radical, en s’imposant sans réserve. Par un juste équilibre entre humour et gravité, elle parvient à éveiller nos consciences sans jamais tomber dans une moralisation trop lourde. Ce n’est que le début de cette aventure en solo, mais on pressent déjà toute la détermination qui a pu alimenter cette généreuse ode à la liberté. Dans un monde bien souvent bridé de conventions, quels espaces d’évasion pourrions-nous encore investir comme nouvelle respiration? C’est en tout cas en dansant dans ses quartiers libres que cette jeune artiste semble avoir trouvé son souffle.

Chorégraphie et interprétation et costumes Nadia Beugré. Dramaturgie Boris Hennion. Création et régie son Boris Hennion. Lumières, décors et régie générale Laurent Bourgeois et Erik Houllier. Composition du paysage sonore Mathieu Grenier. Photo © Boris Hennion.