Photo Madame Arthur©CND 1037 copy

La troupe de Madame Arthur au CND

Par Céline Gauthier

Publié le 18 avril 2018

La troupe de Madame Arthur, installée au Divan du Monde depuis 2015, fut invitée au Centre National de la Danse pour présenter durant deux soirées un spectacle inédit, composé à partir des chefs-d’œuvre de leur très vaste répertoire musical. De Marie Laforêt à Trust en passant par Johnny Halliday, c’est un véritable florilège hétéroclite et chatoyant que Monsieur K (alias Jérôme Marin), acteur et concepteur des spectacles de la troupe, met ici en scène avec brio.

Ambiance feutrée dans l’atrium du Centre National de la Danse : les volumineux escaliers du bâtiment encadrent deux beaux pianos et une kyrielle de tables noires laquées, sur lesquelles ont pris place les spectateurs. Au centre de cet imposant écrin trône une petite scène sur laquelle parade une galerie de personnages hauts en couleurs : travestis coiffés de plumes et parés de faux-cils démesurément longs, de femmes en corsets et porte-jarretelles. À la manière des cabarets d’antan, pourtant dépoussiéré de ses numéros les plus graveleux, les membres de la joyeuse troupe interpellent le public et composent avec lui une complice atmosphère burlesque.

Le temps d’une chanson surgissent sur la scène les figures les plus incongrues, aux silhouettes tour à tour langoureuses ou loufoques : Madame Raymonde, la concierge patibulaire incarnée par Denis D’Arcangelo, la femme du boucher (Monsieur K), auxquels s’ajoutent quelques invités tout particuliers : Daniel Van Blumen (le chorégraphe Daniel Larrieu), la chanteuse Carmen Maria Vega ou le mystérieux Vaslav de Folleterre (Olivier Normand). Tous ont en commun la maîtrise remarquable d’une grande variété de timbres de voix, des aigus les plus haut perchés aux voix de basses, ténébreuses.

Pourtant, derrière leurs costumes bigarrés et tape-à-l’œil et les performances vocales impeccables, le cabaret demeure un espace de taquinerie et de transgression : les chants sont ainsi ponctués de petits intermèdes drolatiques, sous la forme de vidéos parodiques tournées au sein du CND et projetées sur ses murs, en hommage aux plus célèbres chorégraphes de la danse contemporaine. Mathilde Monnier, actuelle directrice de la maison, en prend elle aussi pour son grade à l’occasion d’une interview fictive (interprétée par Jonathan Capdevielle), la bouche débordante de frites grasses. Les balades hilarantes de Jeanne Plante (Je jouis, La chieuse des vacances) tranchent avec l’ingénuité du célèbre Que je t’aime de Johnny, susurré avec grâce et langueur par Miss Morian dont la longue chevelure dorée se fond dans les volutes immaculées de sa robe de tulle. Au piano, Charly Voodoo aguiche la salle de ses clins d’œil et réveille sous ses doigts des airs oubliés qu’il rajeunit avec brio.

La troupe de Madame Arthur et ses acolytes réveille le CND de ses piques d’humour ravageur, entre deux mélodies envoûtantes aux paroles délicatement caustiques, dans un cabaret subversif, érotique mais jamais obscène, subtilement queer.

Vu au Centre National de la Danse à Pantin. Direction artistique Jérôme Marin. Avec la troupe de Madame Arthur Monsieur K, Morian, Charly Voodoo, Patachtouille, Corrine, La Vénus de mille hommes, et ses invités. Photo © CND.