Photo mujer espanola olga pericet 09 ©richard louvet copy

Olga Pericet, Mujer Española

Par François Maurisse

Publié le 13 juillet 2017

Star du flamenco, Olga Pericet, originaire de Cordoue, s’est formée auprès des plus grands, Manolo Marin ou Rafaela Carrasco. Si elle a reçu de nombreux prix, notamment celui de la révélation artistique au grand Festival de Flamenco de Jerez en 2011, et que sa renommée n’est plus à faire chez les aficionados de la danse espagnole, elle est encore inconnue pour le public français de danse contemporaine. C’est l’irrévérence et l’énergie décapante de son solo improvisé Mujer Española (Transformación costumbrista de la mujer española contemporánea) qui ont poussé Nadia Lauro et Latifa Laâbissi à la programmer pour le Festival Extension Sauvage, qui cette année avait lieu les 24 et 25 juin à Combourg et dans le cadre enchanteur du Château de la Ballue. A l’automne, elle présentera une performance pour l’événement Ouverture au Centre National de la Danse à Pantin, les 29 et 30 septembre.

Ressemblés devant un petit plateau noir surélevé sur lequel sont disposés un fauteuil, une robe et une paire de chaussures, les spectateurs entendent soudain des castagnettes s’entrechoquer. La frêle silhouette d’Olga Pericet s’avance alors, mutine, joueuse, tout-sourire, dans une adresse directe aux spectateurs autour de la scène. Construite sur la base d’une succession de séquences improvisées, Mujer Española bénéficie cependant d’une dramaturgie évidente et témoigne des multiples facettes de la chorégraphe. Dans un premier temps, sur une musique flamenca traditionnelle, Olga Pericet fait preuve d’une maîtrise technique incontestable, s’amusant avec le vocabulaire classique du flamenco, jouant des castagnettes, arrondissant les bras, secouant sa robe.

Soudain les accords de guitare sont stoppés net, et au son d’une musique rock endiablée la chorégraphe s’escrime à éviter les nombreuses paires de chaussures à talons qui lui sont lancées dessus sans ménagement. En silence elle en chausse une dotée de petits clous sous la semelle et s’en suit une démonstration virtuose de taconeo, cette discipline du flamenco qui transforme le corps de la danseuse en instrument rythmique. Encouragée par les quolibets du public amusé, Olga Pericet produit des avalanches sonores à l’aide de ses pieds sur le sol, de ses mains, de sa bouche, le visage concentré, habitée par un duende fiévreux. Peu à peu, les rythmes commencent à se métisser jusqu’à ce qu’on reconnaisse un raeggaeton, une bachata et que les mouvements de la danseuse se fassent plus lascifs, plus sexy aussi.

Accessoire privilégié de la chorégraphe, la chaussure à talons hauts trouve plusieurs utilités dans sa performance. Dans un moment clownesque, elle enfonce une vingtaine de chaussures sous ses vêtements, gonflant ses seins et ses fesses comme des postiches, puis esquisse des mouvements séducteurs. Plus tard, les chaussures servent d’épaulettes, de couvre chefs puis de revolvers dans une série de tableaux à la fois drôles et grinçant. Pour une dernière séquence plus intense, Olga Pericet danse un véritable pas de deux avec la longue robe de tulle noir déposée sur le fauteuil à ses côtés. À demi-nue, la poitrine découverte, elle s’enroule dans le tissu, les bras traçant des volutes dans les airs, la colonne vertébrale droite et fière, dévoilant tour à tour ses seins, son visage, son ventre, si bien qu’il nous est impossible de déterminer si elle souhaite enfiler cette robe ou s’échapper de ce carcan.

La performance ne se borne pas à la démonstration flamenca, mais agit dans le sens, comme l’indique son titre, de la transformation. Transfigurée par les différentes intentions, les différentes danses, les différents costumes, Olga Pericet assume sa position charnière entre le flamenco classique et une danse plus contemporaine et décomplexée. Alternant entre des moments fascinants de délicatesse, d’autres à l’énergie détonnante ou certains rappelant même le stand-up, Olga Pericet, par sa présence éclatante et la fierté de son charisme nous montre que sa silhouette de petite poupée espagnole est finalement bien trompeuse.

Vu dans le cadre du festival Extension sauvage. Conception et interprétation Olga Pericet. Photo Richard Louvet.