Photo © Danny Willems

Koen Augustijnen et Rosalba Torres Guerrero : chorégraphier le combat

Par Wilson Le Personnic

Publié le 30 janvier 2018

Koen Augustijnen et Rosalba Torres Guerrero sont deux figures majeures de la scène chorégraphique belge. Koen Augustijnen a longtemps œuvré au sein des Ballets C de la B, notamment auprès d’Alain Platel, tandis que Rosalba Torres Guerrero fut pendant plusieurs années interprète pour Anne Teresa de Keersmaeker. Ensemble, ils ont créé en 2014 Badke, variation débridée du dabke, danse traditionnelle arabe, pour dix danseurs palestiniens. Avec leur nouvelle création sobrement intitulée (B), les deux artistes poursuivent leur exploration des corps en mouvement, en réunissant cette fois danseurs et boxeurs professionnels sur un même plateau, bousculant à nouveau les conventions du spectacle vivant.

Du ring à la scène

Et si un uppercut pouvait contenir la même grâce qu’un saut de danse ? Et si l’énergie contenue d’un boxeur trouvait une parenté secrète avec celle d’un interprète contemporain ? Ces interrogations semblent avoir nourri dès l’origine la recherche de Koen Augustijnen : « Ce projet a commencé à germer lorsque j’ai vu When We Were Kings, le documentaire sur le mythique combat entre Muhammad Ali et George Foreman. Ali dansait presque autour de ses adversaires pour les désorienter… C’était fascinant ! » De nombreux chorégraphes, de Régine Chopinot à Mourad Merzouki, se sont penchés sur cette figure combattante, mais (B) franchit un cap en réunissant réellement boxeurs et danseurs. Constituer une telle équipe a demandé patience et conviction, confie Koen Augustijnen : « Trouver des boxeurs capables de se jeter dans une aventure aussi inhabituelle n’était pas évident, tout comme initier les danseurs à l’univers du ring. »

Renverser les archétypes

Sur un plateau transformé en véritable salle d’entraînement, sacs de frappe, cordes à sauter, gants de boxe, sept danseurs et trois boxeurs composent un étrange ballet de tensions et d’affrontements. Construite en tableaux courts, tantôt burlesques, tantôt poignants, la pièce explore l’ambivalence du corps pugiliste : entre solitude intérieure et exhibition physique. Une vidéo projetée en fond de scène et quelques envolées lyriques, tel un sublime O Solitude de Henry Purcell, viennent nuancer la violence apparente d’une douce mélancolie. Les duels esquissés entre les hommes brouillent parfois les lignes du combat : entre frôlements et étreintes, (B) dévoile une sensualité inattendue, suspendue entre Éros et Thanatos.

Croiser les disciplines, tisser une communauté

À l’instar de Badke, (B) poursuit un idéal de métissage, cette fois non plus seulement culturel mais aussi disciplinaire. Danse contemporaine, boxe, breakdance, taekwondo : les parcours de chacun se mêlent pour tisser une véritable fraternité scénique. Qu’ils viennent de Belgique, de Palestine, du Cambodge, d’Italie ou du Venezuela, tous incarnent cette vitalité hybride que Koen Augustijnen célèbre : « B, c’est pour boxe, pour Bruxelles, pour Belgique… mais aussi pour be, être. La boxe est aussi une manière d’exister, de se trouver une place dans le monde. » À travers ces croisements inattendus, (B) revendique l’énergie brute du vivre-ensemble, sans discours surplombant, mais par la simple force des corps en présence.

Vu à Charleroi Danse. Photo © Danny Willems.