Par Wilson Le Personnic
Publié le 10 octobre 2016
Réunissant une dizaine de performeurs internationaux sous la direction d’Anna Wagner et Eike Wittrock, The Greatest Show on Earth réinvente la forme du cirque traditionnel à travers une série de numéros décalés. Dans un décor imaginé par Philippe Quesne, gradins en bois, piste tournante, fumigènes, musique pop et néons tremblotants, s’enchaînent des performances qui brouillent volontairement les repères entre acrobatie, théâtre et concert. À la croisée de la performance, du concert, du happening et de l’acrobatie burlesque, The Greatest Show on Earth déploie un carnaval d’énergies et de formes libres. Un hommage irrévérencieux à l’imaginaire forain, transposé dans le désordre joyeux de notre époque.
Sous la houlette des Trucs, duo dadaïste composé de Charlotte Simon et Zink Tonsur, qui assure le flux sonore avec une énergie brute, s’enchaînent des numéros courts et détonants, portés par des artistes aux pratiques singulières. Emmilou Rößling dresse un tabouret à coups de claquement de doigts dans un solo facétieux mis en scène par Antonia Baehr et Valérie Castan ; la performeuse philippine Eisa Jocson réinvente une Blanche-Neige torse nu et désabusée ; Meg Stuart orchestre un duo étrange de motards casqués, avec Marcio Canabarro et Vânia Roviscoun ; Jeremy Wade, déguisé en étron géant, entonne un chant d’apocalypse hilare ; Hendrik Quast et Maika Knoblich tentent de dresser un chat et un chien plus cabotins qu’obéissants ; Florentina Holzinger et Vincent Riebeek livrent un striptease aérien aussi brut que virtuose ; enfin, le collectif Contact Gonzo clôture la soirée avec des jets de fruits au lance-pierres.
Inégales et résolument hétéroclites, ces propositions anti-spectaculaires questionnent toutes, avec plus ou moins de bonheur, l’idée même d’entertainment. Quels codes, quelles attentes, quels imaginaires ce désir de spectacle convoque-t-il sur un plateau de théâtre ? Entre performance, happening, concert, acrobatie et dérision, The Greatest Show on Earth brouille avec jubilation les frontières disciplinaires, offrant un panorama débridé de l’avant-garde performative actuelle.
Malgré son caractère inégal, ce projet collectif réussit à faire briller l’espace d’une soirée une troupe bigarrée et excentrique, composée principalement d’artistes encore rares sur les scènes françaises. Un joyeux carnaval contemporain, où l’excès, la maladresse et la virtuosité se croisent dans un même éclat de liberté.
Vu au Théâtre Nanterre-Amandiers. Photo © Anja Beutler.
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