Par Wilson Le Personnic
Publié le 12 octobre 2015
Depuis ses débuts, Yan Duyvendak explore les formes hybrides du spectacle vivant, entre performance, théâtre et installation. Ses créations abordent les enjeux politiques, sociaux et culturels de notre époque en confrontant le spectateur à ses propres représentations. À la frontière de la performance, du théâtre et de la danse, son travail interroge la place du spectateur autant que les modèles de société. Avec Sound of Music, il orchestre aujourd’hui une comédie musicale brillante et décalée, réunissant une quarantaine d’interprètes dans une satire aussi éblouissante que critique.
C’est bientôt la fin du monde : réchauffement climatique, krach boursier, effondrement social… Voici l’argument tragique de ce singulier ballet, porté par douze chanteurs de Broadway et une trentaine de jeunes danseurs locaux. Les codes de la comédie musicale y sont déployés à grand renfort de chorégraphies éclatantes, de pop scintillante et de sourires irradiants, masquant une écriture acérée signée Christophe Fiat. Cette puissante vitalité collective, qui chante et danse sur les ruines d’un monde vacillant, crée un savoureux et troublant paradoxe entre la forme euphorique et le fond désespéré du spectacle. Travailler « sur l’angoisse que la comédie musicale est censée apaiser » était l’intention de départ de Yan Duyvendak, et il atteint ce but avec une lucidité saisissante.
D’une beauté glaçante, cette performance réunit avec une virtuosité remarquable trois artistes venus d’horizons différents : le chorégraphe Olivier Dubois, l’écrivain Christophe Fiat et le compositeur Andrea Cera, tous fédérés sous la direction inspirée de Yan Duyvendak. Les lumières incisives de Vincent Millet et le décor clinquant de Sylvie Kleiber parachèvent cette illusion rutilante. À travers ce dispositif spectaculaire et corrosif, Sound of Music réussit à tendre un miroir féroce à notre époque, tout en envoûtant son public par l’éclat de sa forme. « Un cauchemar absolu qui rend heureux », comme le résume si justement l’artiste.
Vu au Théâtre Nanterre Amandiers. Photo Sébastien Monachon.