Par Wilson Le Personnic
Publié le 11 février 2015
Il y a des performances légendaires, des performances qui marquent une vie de spectateur, dont les images restent à jamais imprimées dans les mémoires. Des performances dont les spectateurs peuvent dire « Oui, j’y étais » et qu’on jalouse. Il y a des performances érigées en références dans les livres d’art, des performances sur lesquelles se sont bâtis des fantasmes étayés par les souvenirs et les témoignages. Des performances radicales qui ont ouvert des portes, balayé des évidences, brisé des codes. Des performances devenues des mythes vivants, des monuments insaisissables.
En 1982, Jan Fabre, alors âgé de 24 ans, imprime sa signature dans l’histoire avec C’est du théâtre comme c’était à espérer et à prévoir, et deux ans plus tard, Le Pouvoir des folies théâtrales : deux performances entrées directement au Panthéon du spectacle vivant. Depuis, Fabre, metteur en scène, chorégraphe et plasticien, n’a cessé d’ajouter des briques à son répertoire protéiforme, à la croisée de l’extase et de la résistance. En 2012, il décide de remettre en scène ces deux spectacles avec une nouvelle équipe de jeunes performeurs (qui rejoindront également la distribution de Mount Olympus, pièce de 24h qu’il prépare depuis plusieurs années), redonnant vie avec fulgurance à deux chefs-d’œuvre du spectacle vivant.
À l’instar de ces pièces-fleuves qui jalonnent son parcours, Le Pouvoir des folies théâtrales est un hommage total à l’Art, un opéra visuel construit comme un atlas d’images, de musiques et de corps. Autant de documents vivants qui composent une longue partition chorégraphique, visuelle et sonore, confrontant œuvres classiques et nouveaux canons. Tel un voyage hypnotique, on traverse l’histoire de la musique classique, de la peinture académique et des mythes, escorté par une quinzaine d’interprètes portés à l’extrême de leur endurance physique et mentale.
Le Pouvoir des folies théâtrales est un regard tourné vers le passé, non pas un regard de regret, mais une illumination jubilatoire, semblable à celui d’un artiste face à sa muse. Tout au long de la pièce, les interprètes scandent jusqu’à l’épuisement les noms des œuvres et artistes qui ont construit l’histoire du spectacle vivant. Se croisent alors Steeve Paxton, Peter Brook, Ariane Mnouchkine, Martha Graham, Lucinda Childs, Merce Cunningham, Robert Wilson, Mary Wigman. À cette généalogie flamboyante s’ajoute naturellement celui de Jan Fabre. Trente ans après sa création, Le Pouvoir des folies théâtrales fait toujours sens, et réaffirme avec éclat le talent inouï, provocateur et visionnaire de Jan Fabre.
Vu au Théâtre de Gennevilliers. Photo de Wonge Bergmann.
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