Photo Ornement

Ornement, Vania Vaneau & Anna Massoni

Par Guillaume Rouleau

Publié le 11 novembre 2016

Vania Vaneau (1982) et Anna Massoni (1985) donnaient la première de leur première pièce en commun, Ornement, au Théâtre de l’Étoile du Nord, le 4 novembre 2016, lors de la douzième édition du festival Avis de Turbulences. Deux chorégraphes et interprètes (vues dernièrement dans Le syndrome Ian de Christian Rizzo pour Vania Vaneau et Faits et Gestes de Noé Soulier pour Anna Massoni) qui ont improvisé ensemble durant plusieurs années avant d’élaborer Ornement sein de la compagnie Arrangement provisoire, avec Vania Vaneau et Jordi Galí (1980) à la direction artistique.

La salle de la rue Georgette Agutte (1867-1922), du nom de cette sculptrice et peintre du tournant du XXe siècle proche des fauvistes et pointillistes, se passe de tout embellissement : une façade en travaux, un accès en sous-sol qui pourrait être celui d’une cave, d’un entrepôt ou d’un bar clandestin. On y trouve cependant une scène sur laquelle tout devient artifice. Une lumière blanche s’abat sur Vania Vaneau et Anna Massoni, main dans la main, au milieu de feuilles de plastique, de papier, d’aluminium, sur de grandes toiles blanches qui contrastent avec le noir des contours de la scène. Celles-ci se meuvent au souffle de ventilateurs sur la gauche, visibles, sonores. Petit à petit, leurs gestes se déploient, se détachent. Chaque geste complète le précédent, complète celui de l’autre. Le motif chorégraphique évoque la suspension – performeuses suspendues vers le haut, suspendues l’une à l’autre.

Du noir et blanc initial, les deux interprètes passent à une vaste palette de couleurs : celle de leurs mains recouvertes de pigments avec lesquelles elles vont s’agripper (les traces deviennent des ornements), celle des accessoires qu’elles vont sortir d’un amas de feuilles froissées (les objets accumulés ornent la scène), celle de la trace de leur vêtements sur leur torse (les vêtements serrés ornent le corps des danseurs). Les ornements sont accessoires : souvent secondaires mais parfois nécessaires pour provoquer l’attention ou la retenir, comme tous ces objets composés de divers matériaux, employés de diverses manières qui recouvrent la scène, les gestes des deux performeuses qui, loin de n’être qu’ornementations parmi les autres, sont les agents indispensables aux ornements. Des ornements plaisants et déplaisants qui s’ajoutent et déplacent leur action à chaque instant.

Le duo se situe dans le prolongement de la chorégraphie Blanc (2013) de Vania Vaneau, accumulation de vêtements dans un tournoiement empreint de références à la culture brésilienne et ses influences européennes. Dans Ornement, les sons enregistrés et montés de Denis Mariotte remplacent ceux du guitariste Simond Dijoud et, occasionnellement, du contrebassiste David Chiesa. Ornement est visuel mais aussi sonore : la bande son est faite de craquements, de crissements, de couches sur lesquels se calquent, qui se calquent, aux gestuelles. On en arrive à se demander ce qu’il pourrait subsister sans ornement. Sans doute rien, ou presque, comme ce final durant lequel Anna Massoni et Vania Vaneau vont éplucher la scène et en révéler des couches insoupçonnées ; jusqu’au « noir complet ».

Vu au Théâtre de l’Étoile du Nord dans le cadre du festival Avis de Turbulences. Photo Jordi Gali.