Publié le 1 août 2017
Pour certains, l’été rime avec pause bien méritée ; pour d’autres, il se poursuit au rythme des festivals. Quoi qu’il en soit, cette période constitue souvent un moment privilégié pour prendre du recul, faire le point sur la saison écoulée et préparer celle qui s’annonce. Nous avons choisi d’accompagner ce temps suspendu en proposant, tout au long de l’été, une série de portraits d’artistes. Qu’ils soient figures confirmées ou talents émergents du spectacle vivant, toutes et tous ont accepté de partager un moment d’échange à travers une série de questions-réponses. Cette semaine, rencontre avec Marlène Saldana.
Quel est ton premier souvenir de danse ?
Le spectacle de fin d’année de l’école maternelle de Ternay. J’étais une jardinière qui arrosait des fleurs en papier crépon. Pas de grands effets, mais une première fois sur scène, déguisée, avec un geste à faire.
Quels spectacles t’ont le plus marquée en tant que spectatrice ?
Purgatorio (2008) de Romeo Castellucci : magnifique, horrible, glaçant, réaliste, magique, la totale. Tambours sur la digue (1999) d’Ariane Mnouchkine : c’est la première fois que j’ai pleuré au théâtre. enfant (2011) de Boris Charmatz, et ce moment incroyable où les enfants envahissent la scène de la Cour d’honneur du Palais des Papes. La résistible ascension d’Arturo Ui mise en scène par Heiner Müller, au TNP de Villeurbanne (1996) : j’avais 15 ans, et Martin Wuttke m’a retournée. Winch Only (2006) de Christophe Marthaler : le premier que j’ai vu de lui, une joie immense. Paradis (2004) de Pascal Rambert : tout le monde partait et moi j’étais là, bouleversée. Incompréhension totale, mais intense. Angels in America (2007) mis en scène par Krzysztof Warlikowski : pour la virtuosité jubilatoire des acteurs.
Quel est ton souvenir le plus intense en tant qu’interprète ?
Un soir, dans un château, pour Yves-Noël Genod. Je jouais une scène avec Gianfranco Poddighe, probablement Phèdre ou Andromaque, j’ai oublié. On marchait sur une arête très étroite, à sept mètres de haut. J’ai le vertige, j’en ai fait des cauchemars. Mais le soir de la représentation, je crois que je n’ai jamais aussi bien joué la tragédie : c’était horrible et merveilleux à la fois. Et puis les premières de danse de nuit de Boris Charmatz : physiquement, c’est le spectacle le plus dur que j’aie fait. Au début, je manquais de m’évanouir à chaque fois. Maintenant, ça va mieux. Et figurer dansée dans La Flûte enchantée mise en scène par Krystian Lupa (2006) : être sur scène avec un orchestre symphonique et des chanteurs lyriques, c’est une puissance inoubliable.
Quelle collaboration artistique a été la plus importante dans ton parcours ?
Un stage avec Edward Bond en 2005 a tout changé. Ma façon d’être sur scène, de penser, de travailler, mes envies. Après le stage, j’ai eu besoin de continuer à lui écrire. Il était disponible, drôle, extrêmement généreux. Ça m’a profondément transformée.
Peux-tu partager certaines œuvres qui composent ton panthéon personnel ?
May B (1981) de Maguy Marin, Purgatorio de Romeo Castellucci, La classe morte de Tadeusz Kantor, Enjambe Charles(2013) de Sophie Perez et Xavier Boussiron, L’inspecteur général (1999) de Matthias Langhoff, Pension Schöller : die Schlacht (1995) de Frank Castorf. La danse du lion dans les spectacles de Kabuki. Les danses animalières de Joséphine Baker. A Night Journey (1947) de Martha Graham. Toute l’œuvre de Bob Fosse. Hate Radio (2013) de Milo Rau, la performance Milk and Cookies (1979) d’Andy Kaufman. Un show de Liberace. Le Sacre du Printemps (1913) de Nijinski, Le Jeune Homme et la Mort de Roland Petit, dansé par Nureyev et Zizi Jeanmaire. Le Grand Macabre mis en scène par La Fura dels Baus. La Cage aux folles (1973) avec Poiret et Serrault. Telefavela (Zeltsaga) (2005) mis en scène par René Pollesch.
Quels sont, selon toi, les enjeux du théâtre aujourd’hui ?
Ce n’est peut-être pas très important, si tout ce qu’on fait, c’est danser au bord du gouffre pour toujours. C’est une citation de Michael Moorcock. Je n’aurais pas mieux dit.
Quel rôle l’artiste doit-il avoir dans la société aujourd’hui ?
Je vais encore citer Nietzsche, mais pour moi, c’est la meilleure définition : L’art nous est donné pour nous empêcher de mourir de la vérité. On pourrait dire la même chose du rire.
Photo Philippe Lebruman
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