Par Wilson Le Personnic
Publié le 6 avril 2015
Créée en 2008 avec Lorenzo de Angelis et Ikue Nakagawa, Libido Sciendi est la première pièce de danse de Pascal Rambert. Ce duo n’est pas une entorse chorégraphique dans le parcours du metteur en scène – et directeur du Centre Dramatique National de Gennevilliers depuis 2007 – mais l’acte fondateur d’une veine corporelle de son œuvre, poursuivie avec De mes propres mains (2009), Knocking on Heaven’s Door (2010) ou Memento Mori (2013). Recréée en 2012 sous la Nef du Grand Palais lors de Monumenta de Daniel Buren, Libido Sciendi est aujourd’hui portée par Nina Santes et Kevin Jean, deux magnifiques danseurs qui se perdent et se retrouvent littéralement dans les bras l’un de l’autre.
La figure du couple hante toutes les pièces de Pascal Rambert (Le Début de l’A, Clôture de l’Amour, Répétition…) : le couple qui aime, qui affronte, qui se désagrège. Dans Libido Sciendi, il s’agit du couple traversé par le désir pur, brut, organique : désir de l’autre, désir de posséder, désir de disparaître en l’autre. Nus, ils s’embrassent, s’enlacent, se caressent, s’absorbent, portés par une urgence silencieuse. Libido Sciendi signifie « j’apprends par le sexe » et « je suis éduqué par la sexualité » : une définition charnelle, radicale, du théâtre de Rambert.
Éclairés uniquement par une faible lumière naturelle – celle du crépuscule filtrant parfois comme une dernière bénédiction sur les corps –, les deux danseurs évoluent dans un silence absolu, quasi religieux, encerclés par la proximité tendue des spectateurs. Les peaux s’entrechoquent, se frottent, se cherchent ; les corps esquissent une cartographie secrète, dessinant l’amour sans détours ni ornements. Sans narration explicite, chaque geste – minutieux, fragile, inflexible – devient une prière physique, un abandon sacré.
Les corps sont manipulés avec une extrême délicatesse : les mains agrippent, pressent, effleurent, dans un dialogue silencieux et sensible. Les zones érogènes entrent en contact avec la peau de l’autre, sans détour ni provocation. Loin de toute démonstration gratuite, Pascal Rambert inscrit l’acte d’aimer dans une écriture physique directe, fragile et ténue. Nina Santes et Kevin Jean livrent une interprétation précise et sincère, où la virtuosité s’efface derrière la simplicité du geste et l’authenticité du contact.
Vu au festival Artdanthé. Dessin de François Olislaeger.
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