Publié le 18 juillet 2017
Pour certains, l’été rime avec pause bien méritée ; pour d’autres, il se poursuit au rythme des festivals. Quoi qu’il en soit, cette période constitue souvent un moment privilégié pour prendre du recul, faire le point sur la saison écoulée et préparer celle qui s’annonce. Nous avons choisi d’accompagner ce temps suspendu en proposant, tout au long de l’été, une série de portraits d’artistes. Qu’ils soient figures confirmées ou talents émergents du spectacle vivant, toutes et tous ont accepté de partager un moment d’échange à travers une série de questions-réponses. Cette semaine, rencontre avec Maud Le Pladec.
Quel est ton premier souvenir de danse ?
Je me souviens très précisément d’une scène du film White Nights (1985), où Mikhaïl Baryshnikov danse avec Gregory Hines. Un duo de tap dance sur Prove Me Wrong. C’est aussi l’époque où je découvrais les films de Bob Fosse, les comédies musicales américaines. J’avais 9 ans et je pratiquais la danse jazz selon la méthode Matt Mattox. J’étais fascinée par la vitalité de la danse américaine, par Broadway, par l’énergie des clips.
Quels spectacles t’ont le plus marquée en tant que spectatrice ?
Certains spectacles ont profondément marqué mon regard et mon parcours : Violet de Meg Stuart, Con forts fleuve de Boris Charmatz, Les lieux de là de Mathilde Monnier, Interior Drama de Lucinda Childs, Still Life de Franko B, Five Easy Pieces de Milo Rau, As It Empties Out de Jefta van Dinther, Not About Everything de Daniel Linehan, 33 tours et quelques secondes de Lina Saneh et Rabih Mroué… Des œuvres qui déplacent.
Quel est ton souvenir le plus intense en tant qu’interprète ?
Enfant de Boris Charmatz, joué dans la Cour d’honneur d’Avignon en 2011, reste un moment gravé. Trente enfants, une scène monumentale, une énergie rare, une partition physique et sensible. L’intensité collective, la précision du dispositif, l’écoute du public… Tout y était puissant, inattendu, profondément vivant.
Quelles rencontres artistiques ont été importantes dans ton parcours ?
Mathilde Monnier, d’abord, qui m’a formée, puis invitée à danser. Loïc Touzé, avec qui j’ai énormément appris. Boris Charmatz, avec qui je collabore depuis bientôt neuf ans, à la fois chorégraphe et ami. L’ensemble Ictus, partenaire musical précieux, et Guy Cassiers, avec qui j’ai vécu certaines de mes expériences de création les plus riches à ce jour.
Quelles œuvres composent ton panthéon personnel ?
Einstein on the Beach de Wilson, Childs et Glass. Trio A d’Yvonne Rainer. Set and Reset de Trisha Brown. Alien/Actionde William Forsythe. Turtle Dreams de Meredith Monk. Bloed and Rosen de Guy Cassiers. Beach Birds et Biped de Merce Cunningham. Fase d’Anne Teresa De Keersmaeker. Des œuvres fondatrices, toutes à leur manière.
Quels sont, selon toi, les enjeux de la danse aujourd’hui ?
Qu’elle continue d’exister par elle-même, dans des lieux attendus ou non. Qu’elle dialogue avec d’autres arts tout en affirmant sa singularité. Et surtout, qu’elle soit vécue comme une pratique de transformation, de perception, de relation. La danse développe une attention rare : elle te déplace, te traverse, et t’oblige à voir autrement.
Quel rôle l’artiste doit-il avoir dans la société aujourd’hui ?
Avant de parler du rôle de l’artiste, il faudrait interroger la place qu’on veut accorder à l’art. Pourquoi lui demande-t-on sans cesse de se justifier ? Dans un contexte où la création est souvent marginalisée, l’artiste garde pourtant ce pouvoir d’ouvrir l’imaginaire collectif. Comme le dit Wajdi Mouawad, l’artiste est là pour « déranger, inquiéter, remettre en question, déplacer, faire voir, faire entendre ». C’est, je crois, l’essentiel.
Photo Martin Argyroglo.
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