Publié le 4 août 2017
Pour certains, l’été rime avec pause bien méritée ; pour d’autres, il se poursuit au rythme des festivals. Quoi qu’il en soit, cette période constitue souvent un moment privilégié pour prendre du recul, faire le point sur la saison écoulée et préparer celle qui s’annonce. Nous avons choisi d’accompagner ce temps suspendu en proposant, tout au long de l’été, une série de portraits d’artistes. Qu’ils soient figures confirmées ou talents émergents du spectacle vivant, toutes et tous ont accepté de partager un moment d’échange à travers une série de questions-réponses. Cette semaine, rencontre avec Jan Martens.
Quel est ton premier souvenir de danse ?
Sortir. Mon frère aîné adorait la musique new wave et m’emmenait en soirée. Je dansais, longtemps, en boucle, jusqu’à atteindre une forme de transe. Puis je tentais de la retrouver seul dans ma chambre, en dansant de façon maladroite, très libre, loin de tout regard. J’inventais mes gestes, sans chercher à bien faire. J’aimerais qu’il existe des vidéos de ces moments-là : ils sont sans doute les véritables débuts de ma danse, viscérale et instinctive.
Quels spectacles t’ont le plus marqué en tant que spectateur ?
As long as the world needs a warrior’s soul de Jan Fabre, vu à 17 ans, a été un choc : ma première rencontre avec la danse et le théâtre contemporains. Puis Fase de De Keersmaeker, vu en vidéo à 18 ans, m’a frappé par sa rigueur et sa complexité limpide. Je me souviens aussi de Wasteland de Lotte Van Den Berg, joué dans un terrain vague : une pièce muette et troublante, qui dérangeait. J’ai adoré sentir un public déstabilisé. C’est là que j’ai compris qu’un spectacle pouvait refuser de plaire.
Quelles rencontres artistiques ont été importantes pour toi ?
Naître en Belgique a été déterminant. La scène flamande des années 90 m’a formé bien avant que je comprenne ce qu’était l’art contemporain. Ces spectacles sont devenus mes premières références, et je mesure aujourd’hui la chance que c’était. Si j’avais grandi ailleurs, je serais peut-être devenu un autre artiste. Ce que je dois à cette géographie culturelle est immense : elle m’a offert une ouverture, une exigence, une manière d’envisager la création comme une conversation, pas une démonstration.
Quels sont, selon toi, les enjeux de la danse aujourd’hui ?
Renouveler les formes, toujours. Rester conscient du public, mais sans chercher à lui plaire à tout prix. On est obsédés par les tendances, les catégorisations. Mais l’enjeu est ailleurs : préserver la diversité des démarches, accepter qu’il n’y ait pas une direction dominante. La danse doit continuer d’exister à côté des modes, pas seulement dedans. Et, surtout, honorer ce qui l’a précédée tout en regardant avec audace vers ce qui n’existe pas encore.
Quel rôle l’artiste peut-il avoir dans la société ?
Il n’y a pas un seul rôle à tenir. Chaque artiste devrait pouvoir inventer le sien, selon ses moyens, ses envies, ses urgences. On attend parfois trop : qu’on innove, qu’on transmette, qu’on éduque, qu’on dérange… tout à la fois. Mais créer, déjà, c’est énorme. Partager un point de vue singulier, déplacer un regard, ouvrir un espace pour la pensée ou l’émotion, c’est essentiel. Et si tout cela résonne un peu, ne serait-ce que chez une personne, c’est que le rôle est rempli.
Photo Studio Rios Zertuche.
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