Photo © Leontien Allemeersch

Des boîtes dans les boîtes dans la tête de Louis Vanhaverbeke

Par Colyne Morange

Publié le 16 mai 2018

Obscurité initiale. On distingue difficilement ce qui se trouve sur la scène : quatre barrières de chantier formant un espace carré, aux parois-écrans. Une cellule, dirait-on. Sur ces parois sont diffusées les captations vidéos live de l’intérieur de la boîte : Louis Vanhaverbeke, recroquevillé dans un coin, qui lance un appel. « Please let me in ». Un appel qui devient un chant, à l’aide duquel – semble-t-il – le performeur finira par se mouvoir dans ce petit espace fermé, sautant, dansant, jusqu’à en défaire la structure, très méthodiquement, et reconstruire un nouvel espace sur scène.

Cette première séquence inaugure une heure de pérégrination ultra sensible questionnant l’enfermement et la norme. Mikado Remix est la troisième pièce de Louis Vanhaverbeke, performeur gantois de 29 ans, formé à l’école d’arts de Sint Lucas à l’atelier Mixed Media, et accompagné depuis 2015 par CAMPO. Sa recherche singulière mixe culture pop, slam, chorégraphie, bricolage et installation, dans des pièces où désir de contrôle et de compréhension du monde rencontrent fragilité et chute. Primé plusieurs fois pour son travail hors pair, il propose au Kunstenfestivaldesarts un nouvel opus brillant d’humanité et de poésie.

Une fois la cellule initiale démantelée, le performeur n’aura de cesse de construire et de déconstuire l’espace, à l’aide de matériaux bruts et hifi, boîtes en platiques, câbles, vélo, barrières de chantier en métal, sampleurs, caméras et micros. Il orchestre ainsi pendant une heure, slamant et beat-boxant  en continu, une chorégraphie d’objets, de trucs en tous genre, dans un calme et une présence scénique incroyablement douce. On ne sait si l’on assiste à un concert de rap décalé, ou au jeu d’un enfant dans sa chambre, bricolant et improvisant des chansons sans queue ni tête. Mais ses textes n’ont rien d’improvisé. Ils articulent, avec lyrisme et intelligence, une réflexion sur la normalité, le besoin de sécurité, la notion de folie.

Seul au milieu de son chantier inutile, Louis Vanhaverbeke n’est jamais ironique et laisse place, pourtant, à un certain humour absurde. On le voit galérer à fabriquer des gaufres à deux mètres du sol à l’aide de perches, construire à l’aide d’un vélo et d’un complexe système de câbles et de bouts de métal, un mur de barrières Heras, composer un champ de boîtes de rangement munies de contrôleurs qu’il devra régulièrement actionner pour composer la musique accompagnant son slam… La chute et la possibilité de ratage sont omniprésents et laissent place à une fragilité de l’action, allant de pair avec une fragilité de sa pièce elle-même. Au coeur de tout cela, on ne peut que rester fasciné, dans une écoute attentive du performeur, resplendissant de sincérité, qui nous invite à réfléchir avec lui sur le monde des normes, et la possibilité pour un individu d’exister dedans.

Vu au Beurschouwburg, dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts. De et avec Louis Vanhaverbeke. Dramaturgie Dries Douibi. Vidéo Freek Willems. Création lumière et sonore Bart Huybrechts. Technique Philippe Digneffe et Simon Van den Abeele. Photo © Leontien Allemeersch.