Photo LH Ruhr Triennale Essen sept2013 photo Ursula Kaufmann 39©LaRibot

Juin 2020 : Les rendez-vous

Publié le 5 juin 2020

Laughing Hole de La Ribot

Depuis plus de 30 ans, La Ribot donne corps à une recherche tentaculaire et ne cesse de réinventer et défricher les cadres de son travail. Créée en 2006, sa pièce Laughing Hole est régulièrement présentée comme la plus politique de son œuvre. Dans un entretien réalisé en 2019 sur Ma Culture, l’artiste évoquait le contexte de création de ce trio féminin : « Je n’ai pas le sentiment que Laughing Hole est plus politique que le reste de mon travail, mais il est vrai que les textes rédigés autour de cette pièce lui ont donné une dimension militante. Pour moi c’est juste la plus frontale, contrairement à toutes les pièces distinguées qui sont à mes yeux aussi politiques mais peut être plus poétiques. Lorsque nous avons emménagé à Genève, la guerre en Irak continuait de sévir, les tortures de Abu Graib apparaissaient au grand jour, etc. (…) Je ne voyais pas comment je pouvais continuer à travailler normalement pendant que ces gens étaient en train de se faire torturer et tuer, devant nos yeux avec une sorte d’approbation général… J’étais à ce moment précis extrêmement affectée par mon environnement : mon nouvel enfant, mon déménagement, être à nouveau étrangère… : mon changement de vie coïncidait avec des changements terribles dans le monde. » Cet extrait vidéo de Laughing Hole, réalisé au Centre Pompidou en 2009, offre un aperçu de la performance dont la durée initiale est de six heures en continue.

Hope Hunt & the Ascension into Lazarus d’Oona Doherty

Fresque sociale et épique, le percutant Hope Hunt & the Ascension into Lazarus a révélé le travail d’Oona Doherty à travers toute l’Europe et outre-Atlantique. Originaire d’Irlande du Nord, la danseuse et chorégraphe catalyse les maux et les violences de Belfast, ville où elle a grandi. Regard brûlant, cheveux tirés en arrière, survêtement ample et chaîne en or autour du cou, Oona Doherty met en scène dans ce double portrait en noir et blanc une masculinité outrancière, une haine insidieuse, pour conjurer l’oppression exercée sur la jeunesse par la violence politique et sociale. Découvrez la captation de la performance réalisée en 2018 au Tanzquatier Wein Festival.

Documentaire sur Pièce d’actualité n°12 : DU SALE !

Dans sa dernière création Pièce d’actualité n°12 : DU SALE !, Marion Siéfert met en scène deux jeunes femmes incandescentes qu’elle révèle dans un double portrait aussi brutal que sensible : la danseuse hip-hop Janice et la rappeuse Laetitia. Dans un entretien réalisé en 2019 sur Ma Culture, Marion Siéfert évoquait son rapport à la création : « Il y a mille manières de faire le portrait des gens. Je crois que lorsque je commence une pièce, j’ai dans la tête quelque chose qui ressemble à un tableau de Francis Bacon. Un portrait, mais dans le mouvement. Un portrait, mais tailladé par les émotions les plus effrayantes, les plus inavouables. Un cri, un cauchemar, une personne, mais au bord de la folie. J’ai besoin de sentir le gouffre qui est sous nos pieds. » A l’initiative du Festival de Vienne (Wiener Festwochen) où la pièce devait être programmée ce printemps, Marion Siéfert et le réalisateur Matthieu Bareyre ont partagé un film sur Youtube qui documente les répétitions de cette création et le processus de recherche avec les deux interprètes.

Katema de Lucinda Childs

Figure majeure de la danse postmoderne américaine, Lucinda Childs continue aujourd’hui d’attiser la curiosité des contemporains avec l’exhumation d’anciennes pièces de jeunesse. Interprété par Lucinda Childs en 1978, le solo Katema est depuis peu réactivé par sa nièce Ruth Childs. L’écriture de ce solo se contente d’une seule trajectoire : une lente traversée du plateau, sur sa diagonale. La partition traduit de multiples variations d’allers-retours, une marche vers l’avant : « Les pas des jambes sont très écrits, mais les bras sont très libres » indique Ruth Childs dans un entretien réalisé sur Ma Culture. Selon cette dernière, la chorégraphie fait sans doute écho à l’environnement dans lequel l’artiste habitait petite : « Lucinda a passé beaucoup de temps sur une petite île, avec mon père. Il y avait dans ce solo une histoire de vague, de marée, qui remonte et qui retourne vers la source. » Découvrez une archive vidéo réalisée en 1978 au Kunsthaus à Zürich.

Work/Travail/Arbeid d’Anne Teresa de Keersmaeker

Comme son nom l’indique, Work/Travail/Arbeid n’a pas vocation à être vu comme un spectacle mais bien comme la présentation d’une recherche, d’un ensemble discontinu de propositions sonores ou gestuelles. En développant la recherche de sa précédente pièce Vortex Temporum (2013) écrit sur la musique éponyme de Gérard Grisey, Anne Teresa de Keersmaeker développe l’idée de continuum tout échappant à la traditionnelle boîte noire du théâtre ou du conventionnel « cube blanc » du musée. La chorégraphe suggère de lire sa pièce comme un « feuilleté », une accumulation performative de strates, présentées selon des cycles de neuf heures, qui laissent aussi place au vide, à l’immobilité et au silence. Les visiteurs partagent avec les danseurs une même partition spatiale, qui cependant ne brise jamais l’impalpable frontière d’un quatrième mur imaginaire, comme dernier vestige de la tradition théâtrale. Cette captation réalisée au MoMA à New-York offre un aperçu de cette expérience.

Photo Laughing Hole © Ursula-Kaufmann / Ruhrtriennale 2013