Photo © Didier Olivré

Vania Vaneau « Un artiste doit être poreux à ce qui se passe autour de lui »

Propos recueillis par Wilson Le Personnic

Publié le 15 août 2017

Pause estivale pour certains, tournée des festivals pour d’autres, l’été est souvent l’occasion de prendre du recul, de faire le bilan de la saison passée, mais également d’organiser celle à venir. Ce temps de latence, nous avons décidé de le mettre à profit en publiant tout l’été une série de portraits d’artistes. Figure établie ou émergente du spectacle vivant, chacune de ces personnalités s’est prêtée au jeu des questions réponses. Ici la danseuse et chorégraphe brésilienne Vania Vaneau.

Originaire du Brésil, Vania Vaneau fait ses armes à P.A.R.T.S. à Bruxelles avant d’être interprète pour Wim Vandekeybus, Maguy Marin, Jordi Galí ou encore Yoann Bourgeois. Cette saison, nous avons pu la voir dans le syndrome Ian (2016) de Christian Rizzo, dans son solo Blanc (2014) présenté notamment aux Rencontres chorégraphiques, ainsi que dans sa dernière création, Ornement, duo co-signé avec la danseuse et chorégraphe Anna Massoni. Sa prochaine création ORA (Orée) verra le jour en 2019.

Quel est votre premier souvenir de danse ?

Les fêtes folkloriques de rue, le carnaval. Lorsque j’étais enfant, ça m’affectait tellement que je n’arrivais pas à savoir si je pleurais parce que c’était merveilleux ou infernal… En tout cas, c’était puissant, l’horreur merveilleuse des célébrations et du bacchanal !

Quels sont les spectacles qui vous ont le plus marquée en tant que spectatrice ?

Ces spectacles correspondent à une époque où je ne me souciais pas encore tellement de comment ils étaient faits, où j’étais une « vraie spectatrice » : Apocalipse 1,11 (2000) du Teatro da Vertigem, le danseur de butō Kazuo Ono, La Tristeza Complice (1995) du chorégraphe Alain Platel, Le Cri du Caméléon (1995) de Joseph Nadj, Tambours sur la Digue (1999) d’Ariane Mnouchkine, Le Petit Poucet (1998) de Chiara Guidi et Claudia Castellucci…

Quels sont vos souvenirs les plus intenses en tant qu’interprète ?

Il y a des moments très intenses, intimes, où en jouant on a la sensation d’être précisément et complètement dans une action, à un endroit, avec une intention et une attention claire, élargie et partagée avec le public. Il y a également des moments exceptionnels, spectaculaires, quand l’inattendu vient bousculer le script : comme les deux fois où des spectateurs sont montés sur scène pendant que l’on jouait deux pièces de Maguy Marin. Dans ces deux cas là, on a dû rompre, déplacer et reconstruire l’attention pour affronter des réactions impulsives et violentes qui envahissaient l’espace de la scène…

Quelles oeuvres composent votre panthéon personnel ?

Je crois que mon panthéon serait plutôt à l’image du salon de chez mes parents, à São Paulo. Il y avait une infinité de caisses, de bahuts, avec des objets de plusieurs temps et lieux, des costumes et masques de théâtre ou des souvenirs de voyages. Toute une histoire qui débordait dans la maison. Ce nid rempli de surprises magiques ou cauchemardesques serait un peu comme la toile de fond de mon imaginaire.

À vos yeux, quels sont les enjeux de la danse aujourd’hui ?

Sortir de la bi-dimensionnalité des idées et des images toutes faites, du moule normé qui nous est imposé par toutes les informations environnantes. Rentrer dans l’expérience, dans la matière, dans les organes, dans le sale et l’obscur où la source de l’imagination brille, pleine de couleurs et de lumière propre ! Ne pas se laisser piéger par les règles du marché, de la beauté, de l’intellectualité, des exigences des institutions et des tendances de la programmation. Inspirer, expirer…attaquer !

Quel rôle doit avoir un artiste dans la société aujourd’hui ?

Être poreux à ce qui se passe dedans et autour de lui à plusieurs niveaux : physique, social, politique, énergétique, environnemental, émotionnel… Laisser résonner dans son corps ce qui le traverse puis travailler de ses mains et s’entêter pour sculpter des formes/mouvements qui puissent toucher d’autres et actualiser cet acte, constamment.

Photo © Didier Olivré / Festival DansFabrik 2017