Photo Christophe Egea

Marie-Caroline Hominal, Where’s the MC

Propos recueillis par Guillaume Rouleau

Publié le 7 septembre 2016

En plus de présenter sa dernière performance Taxi-Dancers en Europe et en Asie, la danseuse et chorégraphe Marie-Caroline Hominal anime Where’s the MC, une émission de radio triomphale d’une heure qui conforte sa renommée. Publique, en direct tous les jours du dimanche 4 au vendredi 9 septembre lors du festival La Bâtie à Genève, celle-ci est disponible en différé à l’adresse : http://mixlr.com/where-s-the-mc/. Marie-Caroline Hominal, en maîtresse de cérémonie à froufrous, réunit quatre personnes (plus deux invités mystères) dans un studio d’enregistrement bricolé au Lieu Central, Maison Communale de Plainpalais, avec de grands panneaux couverts de graffitis roses, une table buffet, une boule divinatoire disco sur un drap rose pailleté, un aquarium où trempe le poisson « Chupon Confucius » prêté par La Ribot. Des thèmes aléatoires, shaky shaky, sont tirés à tour de rôle lors d’une « tombola artisanale ». Il s’agit de générer une performance orale dans laquelle l’absurde est au coin de chaque phrase, en un collage délirant dont Marie-Caroline Hominal a accepté de discuter en devenant l’intervieweuse interviewée.

Qu’est-ce qui t’a amenée au « mic » de la radio ?

J’ai initié le projet à Berlin où j’invitais chaque semaine deux invités pour des émissions éditées qui sont sur mon site. Mais je voulais faire un talkshow live depuis mes premières pièces. Depuis Patricia poses by the pop machine (2011, 2012, 2014) surtout, dans laquelle il y a une voix off, ma propre voix. L’outil de la voix off, c’est comme le « hors champ », il ouvre une fenêtre pour le spectateur et la radio. C’est assez fascinant comme en écoutant des voix on peut percevoir des caractères. Je viens de la danse, du corps, et la voix est aussi une partie du corps, invisible. Ça m’intéressait de sculpter la voix, de l’utiliser comme de la matière, comme une chorégraphie.

Il s’agit de redonner un peu d’espace à la parole, à l’écoute, au son dans un paysage saturé de visuels ?

Oui, je m’intéresse aussi aux systèmes aléatoires. Je ne sais jamais trop ce qui va sortir. Il y a soixante tickets avec chacun un thème que les invités peuvent piocher. Je ne sais jamais vraiment ce qu’ils vont tirer.

Des sujets existentiels et culinaires, comme tu le précises dans le livret, pour contourner les sujets conventionnels du spectacle vivant ?

Pour moi, c’était vraiment mettre les mots à plat. Pourquoi le mot « salade » aurait moins d’importance que le mot « mort » ? Pourquoi pour certaines personnes il a plus d’importance ? Il s’agissait de réfléchir à ça. La nourriture pour moi est existentielle tout simplement. On a tous une histoire, un vécu par rapport à ça, des souvenirs de nourritures, de recettes. Chacun peut s’approprier ces mots. Il y a une chose qui est pour moi importante : les invités me demandent souvent, « Alors, comment tu nous présentes ? », « Est-ce que tu vas nous présenter ? », ou bien j’ai des gens qui ont écouté des émissions et qui m’ont dit : « j’aurais bien aimé savoir ce que faisait cette personne », parce qu’on dit tout le temps au début cette personne fait ça et ça. On peut « googler » les gens et on sait tout de suite ce qu’ils font mais pour moi c’était important de ne pas le faire. Ces gens participent à l’émission et ils amènent leurs pensées, leur créativité. Ce qu’ils font dans la vie je m’en fous. Je m’intéresse à comment chacun s’approprie les mots et développe dessus.

L’absurde tient une place importante dans l’émission. Comment élabores-tu cela ? Qu’est-ce que tu cherches à déclencher ?

J’essaye de déclencher une liberté, un « tout est possible », que les mots peuvent se transformer, que l’on peut leur donner de nouvelles interprétations, des nouvelles significations, c’est ça que j’essaye de faire, que j’aimerais faire. Qu’on invente de nouvelles façons de dialoguer car les invités ne se connaissent pas ou très peu. Peut-être que je ne devrais pas mettre les émissions en ligne ensuite, que ça reste quelque chose d’éphémère comme la danse ou comme une performance.

Comment choisis-tu tes invités ?

J’étais six mois à Berlin car j’avais un atelier, je sortais, je rencontrais des gens et leur proposais de faire de la radio. Je ne les connaissais pas du tout. J’invitais aussi des gens que je connaissais, qui me disaient non, parfois oui. J’avais le temps d’aller boire des verres et de rencontrer des gens comme ça. Ce n’était pas ma ville. Ici, j’avais moins de temps et j’ai fait mon cercle d’amis. J’ai contacté des gens qui jouaient dans le festival, que je ne connaissais pas vraiment et aussi d’autres que je connaissais bien, et que je trouvais aussi intéressant. J’étais un peu coincé avec les dates. Ça c’est fait aussi avec la disponibilité des gens. Je ne pouvais pas vraiment composer. J’ai écrit à beaucoup de personnes en leur proposant toutes les dates et après, c’est eux qui choisissaient leurs dates. Alors qu’à Berlin, je composais.

Est-ce que Where’s the MC est amené à tourner ?

Si ça a l’occasion de tourner, pourquoi pas. En fait, je l’ai déjà fait dans une galerie, Commonwealth & Council à Los Angeles, pour un opening. C’est une galerie à Korea Town. Ça passait sur Kchung Radio (http://www.kchungradio.org/) , qui est une petite radio coréenne. Je le vois aussi comme une installation dans un musée, ça pourrait très bien rester, il pourrait y avoir la voix off avec les émissions qui passent aussi. Les gens viennent se poser et ils écoutent.

Et tu vas faire plein de shows et de workshop en Chine d’ici la fin de l’année…

C’est vrai, et le poisson s’appelle Confucius. Ou plutôt, il s’appelle « Chupon Confucius » car La Ribot me l’a prêtée. Son prénom c’est « Chupon » mais comme c’est un sage qui donne des citations de Confucius, je l’ai appelé « Chupon Confucius ». En fait, c’est lui qui a inspiré Confucius (rires).

Interview réalisée le 5 septembre 2016 dans le cadre du festival La Bâtie – Genève. Photo Christophe Egea.