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Hervé Robbe « Je défends la danse dans sa pluralité et sa diversité »

Propos recueillis par Wilson Le Personnic

Publié le 8 août 2018

Pause estivale pour certains, tournée des festivals pour d’autres, l’été est souvent l’occasion de prendre du recul, de faire le bilan de la saison passée, mais également d’organiser celle à venir. Ce temps de latence, nous avons décidé de le mettre à profit en donnant la parole à des artistes. Après avoir publié l’été dernier une première série d’entretiens-portraits, nous renouvelons ce rendez-vous estival avec de nouveaux artistes qui se sont prêtés au jeu des questions réponses. Ici, Hervé Robbe.

Depuis plus d’une trentaine d’année, le danseur et chorégraphe Hervé Robbe s’est forgé une stature incontournable dans le champs de la danse en France. De 1999 à 2011, il est le directeur du Centre chorégraphique national de Havre-Haute-Normandie et dirige désormais la compagnie Travelling & Co avec laquelle il diffuse son répertoire. Cette saison, le chorégraphe a notamment présenté sa dernière création A New Landscape au Théâtre National de Chaillot. Hervé Robbe est artiste-associé au CNDC d’Angers jusqu’en 2019 et dirige par ailleurs le programme Recherche et Composition chorégraphiques mené par l’Abbaye de Royaumont, à destination de jeunes artistes émergents.

Quels sont vos premiers souvenirs de danse ?

Un gala de fin d’année dans une petite école de danse à Mons en Baroeul (banlieue de Lille), là où j’ai grandi. La scène du bal de West Side Story, vu à la télé, ou les danses dans Central Park de la comédie musicale Hair. Mes circonvolutions en patins à roulettes dans les rues de mon quartier ou mes courses effrénées dans le terrain vague en face de chez moi. Une audition en short et baskets pour intégrer les cours de danse classique du conservatoire de Lille. La chance et le culot innocent d’avoir passé l’audition pour l’école Mudra à Bruxelles, et le sentiment d’être dans le film Fame, alors que mes premières passions étaient le dessin et que j’avais commencé des études d’architecture…

Qu’est-ce qui a déclenché votre envie de devenir chorégraphe ?

En premier lieu, aimer la danse et aimer danser et il est toujours bon de le rappeler. Je n’ai pas décidé de devenir chorégraphe, ça s’est progressivement imposé à moi. J’ai grandi dans la danse tout d’abord comme interprète. J’ai eu la chance, dans le cadre de ma formation, de rencontrer des artistes et pédagogues de grande qualité qui m’ont transmis un esprit de curiosité et d’ouverture mais aussi des ambitions et des exigences de technicités et de créativités. Lorsque dans les années 80 j’ai commencé à danser, j’ai pu traverser un spectre relativement large de répertoire et de création, ce qui m’a permis, parce que j’avais cette appétence, d’incorporer et de questionner une certaine historicité et culture de l’art chorégraphique, tout en restant disponible aux nouveaux élans qui s’offraient à moi. Puis est venue l’heure de mes premières expériences et c’est surtout la rencontre et la confiance des danseurs qui se prêtaient au jeux de mes tentatives naissantes, leurs regards bienveillants et encourageants, qui m’ont conforté dans cette voie.

En tant que chorégraphe, quelle(s) danse(s) voulez-vous défendre ?

Depuis trente années au delà des modes, des courants, des chapelles esthétiques, aux endroits où il est encore possible de l’exprimer, je défends la danse dans sa pluralité et sa diversité.

En tant que spectateur, qu’attendez-vous de la danse ?

De la surprise de l’inattendu, du sensible et de la générosité. Une danse qui se donne à voir et ne se justifie pas en permanence. J’ai aussi un certain plaisir à voir la réinterprétation d’œuvres passées. Quels sillons, quelles traces nous laissent-elles ?

À vos yeux, quels sont les enjeux de la danse aujourd’hui ?

Les mêmes depuis toujours : trouver les espaces propices, les moyens et les savoir-faire nécessaires à sa fabrication et son apparition. Chaque époque, chaque géographie dessine des territoires de possible et de contraintes. Art du mouvement et du déplacement, il s’agit encore d’inventer selon la configuration du terrain, des changements climatiques…

Selon vous, quel rôle doit avoir un artiste dans la société aujourd’hui ?

L’artiste ne vit pas hors-sol, il fait partie de la cité, c’est aussi un artisan, il exerce un métier qui l’inscrit dans un tissu social. A ce titre, il fait des choix et adhère à des principes moraux, éthiques voire spirituels qui l’engagent et le guident, comme tout citoyen. L’ensemble de ces points de vue idéologiques nourrissent aussi bien son imaginaire et transparaissent dans ses créations que son être là. Il est de la responsabilité et de la liberté de chacun d’assumer un rôle ou de prendre une place dans la société.

Comment voyez-vous la place de la danse dans l’avenir ?

Et bien dansez maintenant… Je suis encore dans l’instant de la danse, et même avec le recul je me refuse à tout pronostics, je n’ai pas l’âme divinatoire. Ce que je sais c’est que chaque geste semé fleurira un jour et dispersera des germinations futures.

Photo © Vincent Bosc