Photo © Milan Szypura

Alexander Vantournhout « Une autobiographie du corps, mais pas nécessairement de moi »

Propos recueillis par Wilson Le Personnic

Publié le 4 mai 2017

Figure émergente de la scène contemporaine, le jeune acrobate et chorégraphe belge Alexander Vantournhout tourne depuis 2 ans déjà avec son saisissant solo ANECKXANDER à travers l’Europe et outre-Atlantique. La pièce est programmée les 27 et 28 mai prochain à La Chaufferie à Saint-Denis dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis.

Vous avez suivi une formation à l’Ecole Supérieure des Arts du Cirque avant d’intégrer l’école de danse P.A.R.T.S. En quoi ces deux disciplines sont-elles complémentaires ?

À L’ESAC (École supérieure des arts du cirque, ndlr), je pratiquais principalement la roue simple, mais cet objet n’était pas encore réellement une discipline, donc on était obligés de rechercher beaucoup à coté… L’enseignement était également très individuel, le focus se faisait principalement sur notre rapport à l’objet et nos « limites » du corps acrobatique. Suite à une blessure au poignet, j’ai commencé à m’intéresser à des formes plus chorégraphiques qu’acrobatiques. En arrivant à P.A.R.T.S., j’ai appris à travailler de manière collective. Rétrospectivement, je peux dire que ma pratique du cirque et de la danse tourne autour du « rapport à l’objet ».

Votre solo ANECKXANDER est une contraction entre Alexander, votre prénom, et le mot neck, cou en anglais. À travers ce titre, peut-on dire que cette pièce est une sorte d’autobiographie ?

C’est en effet une autobiographie du corps, mais pas nécessairement de moi… du moins si on arrive à diviser le « corps » et le « moi ». En essayant de travailler sur les spécificités et les (dis)proportions de mon corps, l’écriture de la pièce s’est faite de manière inhérente à mon histoire personnelle. Les différentes pratiques que j’ai traversées depuis l’enfance ont changé et dessiné mon corps. Par exemple, en travaillant avec la roue, j’ai essentiellement utilisé mes poignets, j’ai donc développé des avants bras plus larges que mes biceps. Cette particularité me permet, entre autre, de cacher mes jambes derrière mes avants bras, ce que je fais dans le spectacle.

Pouvez-vous revenir sur la genèse du solo ? Quels ont été les axes de recherches d’ ANECKXANDER ?

J’ai d’abord commencé par mesurer mon corps et observer les particularités de sesproportions. J’ai un très grand buste, une longue nuque et petites membres. Je ressemble à une sorte d’enfant qui n’a pas encore terminé sa puberté. Puis, je me suis penché sur les réflexes et les processus d’apprentissage des enfants. L’évolution depuis la grenouille (homologous), vers le reptile (homolatérale) jusqu’au marcher (ipse et mouvement controlatéral). Puis avec la dramaturge Bauke Lievens nous avons eu envie d’écrire une tragédie, qui pouvait également basculer vers le comique…

Quels étaient les enjeux de passer ici par la nudité ?

La nudité permet de révéler un corps fragile, de souligner ses disproportion : je ne peux rien cacher. Elle permet également de montrer les effets de la chorégraphie (ou circographie) sur mon corps : elle laisse des traces sur ma peau…

Pendant le spectacle vous portez des gants de boxe, des chaussures à plateforme et une collerette. Comment ces accessoires sont-ils apparus? Ont-ils une signification particulière ?

Ces accessoires sont avant tout des prothèses (bottes et gants) et orthèse (collerette) que j’utilise comme des « compensations » à mes disproportions (jambes et bras trop courts, nuque trop longue). À l’instar de la nudité, ces prothèses accentuent mes disproportions au lieux de les cacher. Personnellement, ces objets sont également des références à ma jeunesse : dans les années 90, j’étais toujours impressionné de voir des jeunes gens marcher avec des Buffalo boots.

Conception Alexander Vantournhout & Bauke Lievens. Dramaturgie Bauke Lievens. Technique Tim Oelbrandt, Rinus Samyn. Costumes Nefeli Myrtidi, Anne Vereecke. Musique Arvo Pärt. Photo © Milan Szypura.