Photo Coco Duivenvoorde

The dog days are over, Jan Martens

Par Wilson Le Personnic

Publié le 27 mars 2015

Attention, le tsunami Jan Martens se prépare ! Ce phénomène, âgé d’à peine trente ans, déjà repéré en Belgique et aux Pays-Bas depuis quelques années, est en train de devenir la nouvelle figure de proue de la scène flamande. Aperçu aux Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis avec A small guide on how to treat your lifetime companion, au festival Plateaux de la Briqueterie avec Sweat Baby Sweat et dernièrement au Théâtre de la Bastille avec Victor, Jan Martens présente aujourd’hui sa nouvelle création The dog days are over, sa première grande pièce de groupe.

Debout, en ligne droite face au public, huit danseurs enfilent des baskets running et attendent paisiblement alignés les uns à côté des autres. Rien ne laisse présager le futur marathon qui s’annonce. Lentement, de légères impulsions font tressaillir leurs talons, leurs genoux, jusqu’à les faire sautiller sur place. À l’unisson, ils impriment ce mouvement quasi mécanique et continuent de nous faire face avec pour seul son celui du battement de leurs semelles contre le linoléum. Ils ont des visages impassibles, des regards presque belliqueux, prêt à endurer et affronter l’effort physique et mental qui s’augure.

La ligne droite se fragmente, les danseurs, tout en continuant de sauter, dessinent des trajectoires minimales dans l’espace. La complexité des pas et du rythme qui oscille se traduit par une étonnante concentration du public : nous sommes fascinés – presque hypnotisés – par cette connexion invisible qui fédère les huit interprètes. Les répétitions et la précision des déplacements font écho – Jan Martens ne se cache pas d’en avoir été inspiré –  aux premières pièces de Lucinda Childs ou d’Anne Teresa de Keersmaeker. La partition chorégraphique est comme une longue formule mathématique : des mouvements s’additionnent, auxquels s’ajoutent de nouveaux tempos dont la somme fait apparaître de fascinantes trajectoires topologiques.

Quelles sont les attentes d’un public lorsqu’il va voir un spectacle de danse et quelles étaient les attentes des romains lorsqu’ils allaient dans les arènes voir des gladiateurs ? La réponse de Jan Martens est simple : ils veulent voir de la souffrance et de la sueur. Sa pièce The dog days are over est une réaction aux multiples coupes budgétaires dans le financement des arts et une réponse radicale aux nouveaux critères auxquels il faut correspondre pour avoir droit à des subventions : les danseurs sont payés pour danser, alors faisons les suer ! Au dernier saut, lorsque l’ultime son disparaît dans l’immobilité, il ne reste que le souffle haletant des huit danseurs, seul écho de ce marathon jubilatoire. La pièce s’apprête à faire une grande tournée qui, on l’espère, ne viendra pas à bout de l’endurance de ses huit extraordinaires interprètes.

Vu à la Maison des arts de Créteil. Chorégraphie Jan Martens. Avec Cherish Menzo, Piet Defrancq, Julien Josse, Laura Vanborm, Naomi Gibson, Nelle Hens, Steven Michel, Kimmy Ligtvoet. Photo Coco Duivenvoorde.