Photo Danny Willems

Revival: In Spite of Wishing and Wanting, Wim Vandekeybus

Par Guillaume Rouleau

Publié le 26 juillet 2016

Revival : In Spite of Wishing and WantingLe Revival du titre indique la reprise de cette pièce du chorégraphe belge Wim Vandekeybus d’abord présentée en 1999 et remaniée au début de l’année avec dix nouveaux interprètes. Revival : In Spite of Wishing and Wanting a comme fils conducteurs deux nouvelles de l’écrivain Argentin Julio Cortázar (1914-1984), Cuento sin moraleja et Acefalia – à partir desquelles Wim Vandekeybus a réalisé un court métrage, The Last Words – et une bande originale composée par David Byrne, cofondateur du groupe de musique Talking Heads. Des fils noués autour du masculin, du rêve, de la volonté. Une pièce sur mesure pour le Volkstheater de Vienne – où elle était jouée les 16 et 18 juillet lors de ImPulsTanz – dont la vocation de scène populaire persiste depuis sa fondation en 1889.

Dans cette création Wim Vandekeybus braque les projecteurs sur une masculinité faite d’envies, d’envieux, d’hostilités et de complicités. Les hommes sont des chevaux farouches qui font leur entrée un bout de tissu dans la bouche, bridés, et parcourent la scène en s’évaluant. L’un d’entre eux, interprété par Wim Vandekeybus, réapparaîtra tout le long de ce Revival, en cheval solitaire, martelant le sol de coups de sabots, s’ébrouant. Des hommes-chevaux qui galopent entre la veille et l’éveil, entre un état hypnagogique et un état hypnopompique où les désirs et les craintes s’accentuent. La pièce de Wim Vandekeybus relate ces états en ayant recours à un jeu de lumières varié, qui exploite de nombreuses nuances entre obscurité et clarté, aveuglement et clairvoyance, à l’instar d’une ampoule allumée passant de main en main dans le noir complet. Les lumières cadrent le rectangulaire de la scène au sol et en hauteur. Des lumières faces au public dont les teintes orangées, chaleureuses, basculent parfois vers un bleu polaire, glacial ; glacials comme certains cris.

Il y a, en effet, dans les œuvres de Wim Vandekeybus, une récurrence du cri qui ponctue Revival: In Spite of Wishing and Wanting. Des cris que Knut Vikström Precht va pousser à gorge déployée, extériorisant ses peurs à s’en épuiser, lorsqu’ayant voulu s’endormir nu sur un coussin, les autres performeurs l’entourent et le jettent dans les airs. Le cri, c’est le sujet de la nouvelle de Julio Cortázar, Cuento sin Moraleja, qui raconte le commerce d’un marchand de paroles, de soupirs et de cris. Une nouvelle adaptée sous le titre The Last Words, film projeté en deux temps, entrecoupant la chorégraphie de Revival: In Spite of Wishing and Wanting. On suit ce marchand singulier dans ses négociations jusqu’à sa rencontre avec le monarque, seul à ne rien lui avoir acheté. Les cris signifient, signalent une sensibilité, la force d’une émotion, surgissent pour rallier, avertir, engager la lutte ou s’abandonner dans la jouissance. Les cris que fait intervenir Wim Vandekeybus et sa compagnie Ultima Vez ajoutent ici puissance et impuissance aux thèmes du masculin et du rêve.

Les hommes de Revival: In Spite au Wishing and Wanting ont envie. Envie de danser, de sauter, d’épater par de minutieuses séquences dansées seules ou à plusieurs. Des hommes qui convoitent ce que les autres sont, veulent être, ont, veulent avoir. Une convoitise qui se manifeste dès le début, par un monologue de Yassin Mrabtifi, en propriétaire et dresseur de ces hommes-chevaux. Des hommes-chevaux à qui il demande leurs souhaits/voeux (wishing) et volontés/désirs (wanting). Ce qu’ils aspirent à être et à avoir. Être ce que d’autre voudraient être. Avoir ce que d’autres voudraient avoir. Revendiquer ce que l’on est, ce que l’on a. Les rêves ne suffisent pas. Wim Vandekeybus scande qu’il faut agir pour obtenir, lutter pour se maintenir. Ainsi,  la lutte concernant le copyright d’une phrase donne lieu à une chorégraphie amusante, durant laquelle deux des interprètes s’interpellent ; les autres performeurs se déplaçant en groupe pour baffer à tour de rôle ces colériques. Il y a, tout au long de Revival: In Spite of Wishing and Wanting, une alternance très dynamique de passages théâtraux (privilégiant la parole), cinématographiques (privilégiant le film), chorégraphiques (privilégiant la danse) durant lesquels ces performeurs transmettent leurs aspirations sur les mélodies de David Byrne, qui sonorisent l’ambition totalisante – totaliser sur scène les passions humaines – ici convaincante, des œuvres de Wim Vandekeybus.

Vu au Volkstheater de Vienne à l’occasion du festival ImPulsTanz. Chorégraphie et scénographie Wim Vandekeybus. Musique David Byrne. Photo Danny Willems.