Photo Arnaud Bertereau

Paris, David Bobée

Par Quentin Thirionet

Publié le 11 juin 2015

Parfait. Parfait de Paris. Le roi de la sape, le sexe de la fringue. Parfait de Brazzaville, Congo. Digne représentant de la Société des Ambianceurs et des Personnes Elegantes, mouvement hédonique fascinant né entre Kinshasa et Brazzaville. Parfait l’éboueur aussi, conquérant, toujours, au volant de son camion- poubelle. Digne, encore, quand il achemine son carrosse parmi les avenues bariolées de ce Paris multicolore. Parfait, le héros de Mélo, roman de Frédéric Ciriez dont la deuxième partie de ce triptyque parisien est ici magistralement adaptée et mise en scène par David Bobée et son équipe.

Entre les enseignes lumineuses du Palais d’Istanbul, de la Crèperie Normande et du Jaipur Tandoori, Parfait navigue avec son vaisseau défraichi et son équipe de traceurs-éboueurs en compagnie d’Anastasia, icône érotique, mirage brulant sorti d’un briquet acheté à la sauvette ou de son imagination. Tendu vers ce moment de consécration où il quittera son gilet municipal pour endosser ses fastes apparats et briller, littéralement, en société, il nous narre et lui raconte, magnifique, sa petite vie, sa vie grandiose. On voyage ainsi avec lui au fil de ses pérégrinations au sein d’une scénographie métamorphique habillée de vidéo urbaine, de gadgets pour touristes et de blocs mobiles, reflets d’une richesse féerique de la pauvreté. Parfait reste parfaitement Parfait tandis qu’un autre acteur tout aussi brillant agrémente son récit pour mettre en corps et en voix les différents protagonistes. Parfois, le plateau lui est offert pour danser et illuminer ces brèves de vie qui méritent tant d’être sublimées.

La danse, la vidéo, la musique – quasi-continue – et le verbe servent avec justesse cette fable du temps moderne sans autre morale que le constat émerveillé d’une poésie secrète et jubilatoire de l’intra-ordinaire. Poésie subversive car malheureusement incongrue des relents d’Anthares by Chanel mêlés à la fragrance des gilets « propreté de Paris ». On ressent alors une joie profonde et sincère face à cette beauté de l’ordinaire injustement déconsidérée, sublimement dévoilée.

Vu aux Subsistances à Lyon. D’après le roman Mélo de Frédéric Ciriez. Mise en scène David Bobée. Vidéo José Gherrak et Wojtek Doroszuk. Lumière Stéphane Babi Aubert. Photo Arnaud Bertereau.