Photo ©DannyWillems

Mockumentary of a Contemporary Saviour, Wim Vandekeybus

Par François Maurisse & Wilson Le Personnic

Publié le 5 juin 2017

Figure incontournable de la danse flamande, le chorégraphe Wim Vandekeybus présente à Paris ces jours-ci deux pièces aux antipodes de son répertoire : la re-création de son célèbre In Spite of Wishing and Waiting (1999) à La Villette et une nouvelle création Mockumentary of a Contemporary Saviour, présentée pour la première fois en France au Centquatre-Paris dans le cadre du festival ManiFeste organisé par l’Ircam. 18 ans séparent ces deux spectacles mais nous retrouvons bien dans ces deux opus son langage si particulier au chorégraphe, comme une signature : celle d’une écriture du geste sous tension, des corps nerveux habités par une énergie sauvage.
 
Avec cette dernière création, Mockumentary of a Contemporary Saviour, le chorégraphe semble emprunter un nouveau chemin, opérant un virage vers une forme plus théâtrale. Wim Vandekeybus s’est concentré ici sur la construction d’une dramaturgie claire, une sorte de récit de science-fiction reléguant la danse – médium qu’il pratique pourtant d’une main de maître – au second plan, au profit de dialogues et d’une mise en scène d’un récit de science-fiction maladroit.
 
Le plateau est un black cube, aux sein duquel cohabite une petite communauté de six personnages qui semblent livrés à eux-mêmes. Une partie du sol est recouvert par une sorte de vernis écaillé, dessinant un grand cercle noir en négatif au dessus duquel flotte en miroir une grande structure blanche circulaire, sorte de grand oeil mobile qui bouge continuellement au dessus des personnages. Présence menaçante, les personnages n’auront de cesse de lui jeter des regards apeurés ou intrigués. Les bords du plateaux sont occupés par des boites lumineuses, des caissons où les personnages dorment par intermittence. La présence de ces objets dessine un espace équivoque, un non-lieu entre le vaisseau spatial et le bunker, dans lequel les protagonistes semblent contraints de cohabiter… jusqu’à l’arrivée en trombe d’un nouveau compagnon, dont la présence viendra bousculer l’ordre établi et la vie de la communauté.
 
Pour Mockumentary of a Contemporary Saviour, le chorégraphe a collaboré avec des ingénieurs de l’Ircam à l’élaboration du paysage sonore de la pièce. D’autre part, la diversité des sept interprètes (anglais, marocain, russe, taïwanais, espagnol, américain) a nourri l’écriture du récit. Le scénario (co-signé entre le chorégraphe et les interprètes) paraît être né de la confrontation entre ces figures dissemblables, véritable communauté d’anti-héros, et un environnement austère et hostile, tout aussi vivant qu’eux. Malgré ce parti-pris d’apparence novateur, la mise en scène s’épuise souvent dans de longs passages étranges, burlesques et parfois embarrassants, nous laissant principalement un sentiment d’inachevé. Les séquences chorégraphiques se bornent souvent, quant à elles, à de l’anecdotique, là où les précédentes créations de Vandekeybus parvenait à déployer un univers gestuel riche et explosif.
 

Après avoir remonté son tout premier spectacle What the Body Does not Remember en 2013, Wim Vandekeybus continue d’exhumer et de redonner vie aux pièces emblématiques de son répertoire. Le chorégraphe sera de retour à Paris dans quelques semaines à La Villette, du 28 juin au 2 juillet, avec In Spite of Wishing and Wanting, oeuvre phare de l’artiste créée en 1999. À défaut d’avoir été rassasié, In Spite of Wishing and Wanting est une valeur sûre qui effacera assurément la petite déception de ce Mockumentary of a Contemporary Saviour.

Vu au Centquatre-Paris. Mise en scène et chorégraphie Wim Vandekeybus. Créé et présenté avec Anabel Lopez, Maria Kolegova, Yun Liu, Daniel Copeland, Saïd Gharbi, Jason Quarles, Flavio D’Andrea. Photo © Danny Willems.