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Lifeguard, Benoît Lachambre

Par Margot Baffet

Publié le 2 juin 2017

Se tenir en perpétuel mouvement, c’est s’offrir la certitude d’être vivant. Chacun de nous vit l’évolution de son propre corps, mais aussi de l’espace qui l’entoure. C’est bien ce dont il est question dans l’approche de Benoît Lachambre, tout particulièrement dans Lifeguard. Ce solo s’impose comme une vraie curiosité dans la culture des arts performatifs.

Les spectateurs sont introduits en trois temps dans la salle où se déroule l’évènement. L’artiste apparaît comme un maître de cérémonie au milieu d’un type de spectacle inhabituel : performeur et public sont en contact direct dans une salle où figure un minimum de décor et d’accessoires. En tant que spectateur, nous voilà confronté à une position que l’on pourrait s’imaginer inconfortable. Pourtant notre mouvement semble être la condition sinéquanone de l’action : l’œuvre immersive n’existe pas sans l’interaction du public et du performeur. Un mystère plane bien vite sur notre rôle et celui vers qui tous les regards sont tournés.

Benoît Lachambre met au point depuis des années une approche unique de la danse construite sur de solides techniques somatiques. Influence cinétique, voir même magnétique, cette expérience s’avère être profondément humaine. Aussitôt nos masques de spectateurs tombés, la magie opère. Se prendre au jeu de cet étrange mouvement, c’est amplifier son expérience sensorielle de l’autre et de ce qui nous entoure. Le charisme du performeur sollicite le pouvoir de ce lien collectif, avec instinct et humour. Il nous confie alors que la danse lui a sauvé la vie, et, prétextant un coup de balai, il nous invite librement à explorer cette idée avec lui. La dynamique de la salle varie au gré des impulsions du chorégraphe, entre légèreté et gravité. La chorégraphie se crée dans l’instant, construite par le contact physique ou mental de chacun d’entre nous.

Vis à vis de ses enjeux, le concept est époustouflant de réussite. Les moments de transe notamment restent  frappants, autant que la richesse des interactions engendrées. Ce sont des rites aussi anciens que ceux de la culture autochtone qui inspirent l’artiste. Il en résulte une communion inqualifiable, mais assurément mémorable, un trait d’union insoupçonné entre l’origine de l’homme et son existence contemporaine. Benoît Lachambre nous confronte à l’étude de « l’être ensemble » avec habilité. À l’occasion d’une interview, il explique : « Le rôle de l’artiste n’est plus pour moi simplement distraire, de produire et de nous faire oublier pour un instant nos préoccupations, mais de rappeler les dynamiques auxquelles on peut prendre part tout en vivant dans une expérience de liens qualitatifs. » Pour ceux qui désirent l’explorer, l’instabilité n’a jamais été aussi belle.

Vu à l’édifice Wilder, à Montréal, dans le cadre du Festival TransAmériques. Chorégraphie et performance : Benoît Lachambre. Photo Karolina Miernik.