Photo Emilia Milewska

A kind of fierce, Katerina Andreou

Par Guillaume Rouleau

Publié le 10 août 2016

Bleu, jaune, rouge. Bleu polaire des néons, jaune poussin du sweat, rouge des lèvres. Bleu électrique du t-shirt, jaune des stries sur les joues, rouge de la férocité. Couleurs primaires. Chorégraphie exemplaire. Exemplaire de ce que la danse peut en contournant les exemples. Sur la scène du théâtre, la chorégraphe et danseuse franco-grecque Katerina Andreou présentait A kind of fierce, solo d’une quarantaine de minutes dont l’énergie contenue lui a permis de co-remporter (avec Will Rawls pour The Planet-Eaters: Second) le prix jardin d’Europe, qui récompense l’un des jeunes chorégraphes de la partie [8:tension] de ImPulsTanz – Vienna International Dance Festival. Une sorte de tension exprimée par une danse en impulsions sur la grande scène de l’Odeon, ce 8 août 2016.

Une scène sur laquelle deux rangées de néons, parallèles entre elles, parallèles au public, encadrent un micro suspendu le long d’un fil de plusieurs mètres. Deux baffles sont derrières. Distantes, évidentes. Katerina Andreou sur scène, ballerines recouvertes de collants noirs, s’échauffe dans un sweat d’un jaune éclatant. Ses lèvres, minces filets rouges, sont serrées, aspirées par l’effort. Un effort qui se fait au rythme de sa respiration. La musique est pour plus tard. Pour le public en tout cas, puisqu’elle l’écoute par de discrètes oreillettes. Un échauffement qui n’est pas celui qui précède la représentation mais qui est inclut dans cette représentation que Katerina Andreou a construit à partir des danses libres des années 1900, de l’attitude punk rock des années 1970, des soli des drag queens sur youtube, de la danse krump. Une représentation qui se fonde sur un corps toujours en action, un corps en alerte, entre habilité technique et sabotage des gestes, qui vont toujours d’un à d’autres. A kind of fierce est une réaction à l’apprentissage, une manière de désapprendre, d’apprendre à désapprendre. La danse libre retient, malgré tout, les danses apprises mais en engendre d’autres par une naïveté sous contrôle. Il y a un acharnement à sortir en public des gestes qui ne relèveraient pas d’une autorité extérieure. Partir des couleurs primaires et les mélanger par tâtonnements.

Danser cela dans un théâtre, c’est danser cela avec un public. A kind of fierce bouscule les liens aux spectateurs avec cette danse personnelle en public et cette danse partagée en privé. Katerina Andreou alterne entre présence et absence pour affirmer une indépendance, sa danse libre. Une danse libre électrique comme son t-shirt bleu. Électrique comme les stries jaunes qu’elle a sur les joues, comme pour revendiquer le début des hostilités, avec son background de danseuse, avec ce public à convaincre, avec les terra incognita de la danse à fouler. Une électricité qui devient férocité lorsque la musique – supervisée par le compositeur Eric Yvelin –  est crachée, le Breakdance de Chevreuil, ou suinte, remix de Because des Beatles, des enceintes que Katerina Andreou va rapprocher, jusqu’à les coller, l’une à l’autre et au public, avec derrière elle, ce micro qui pend, comme un punching ball. Un punching ball dans laquelle elle passe ses cheveux, tape son front. Le bruit se réverbère. La férocité de sa danse, des rythmes qu’elle syncope du début à la fin, soutenue par une musique de bruits et de fureurs ont fait exploser la scène de l’Odéon avant une première française qui se tiendra au CDC Atelier de Paris le 4 novembre prochain.

Vu à ImPulsTanz. Chorégraphie et performance Katerina Andreou. Son Éric Yvelin. Lumières Yannick Fouassier. Photo © Emilia Milewska.