Photo Photo Yvan Clédat

Ermitologie, Yvan Clédat & Coco Petitpierre

Par François Maurisse

Publié le 22 novembre 2017

S’ils travaillent dans le champ de la performance depuis une vingtaine d’année, Yvan Clédat et Coco Petitpierre produisent une oeuvre empruntant autant à la sculpture qu’au spectacle vivant, tant est si bien qu’on ne sait pas très bien s’ils font danser les statues ou s’ils sculptent les danseurs. Ce travail est autant présenté dans des espaces muséaux (principalement dans des Fonds Régionaux d’Art Contemporain) que dans des espaces pluridisciplinaires (la FIAC à plusieurs reprises, le Parc Culturel de Rentilly, le Centre Chorégraphique National de Montpellier ou le Centre Pompidou Málaga). La nouvelle création du binôme, Ermitologie est cette fois programmée à Nanterre-Amandiers, avec le soutien du Festival New Settings de la Fondation d’entreprise Hermès.

Dans une scénographie très plastique (une sorte de damier de marbre, posé au milieu d’un espace à l’obscurité profonde), déambulent quatre personnages hybrides, deux représentations anthropomorphes, mi-marionnettes, mi-objets, une forme végétale animée et un étrange animal téléguidé. Faisant appel à l’histoire de l’art et de la représentation, les formes de ces sculptures/costumes revendiquent explicitement un héritage issu aussi bien de l’Arte Povera (la boule végétale, sorte de tumbleweed burlesque rappelle les amoncellement de branchages de Mario Merz), de la sculpture du suisse Alberto Giacometti (la référence à l’Homme qui marche (1960) est évidente) que des vénus paléolithiques (ici la Vénus de Willendorf, dans une version en peluche). Enfin, la bête fantastique, présentant des oreilles de lapin et un long bec d’oiseau est directement issue de l’apocalyptique Tentation de Saint-Antoine de Max Ernst (1945).

Ensemble absolument onirique, la composition évolue lentement, méthodiquement, au son d’extraits de La Tentation de Saint-Antoine (1874), le poème en prose halluciné de Gustave Flaubert. Activation de références issues de la culture savante occidentale, cette glose délicate autour d’une figure d’ermite assume sa dimension ludique. Dans un jeu constant sur les échelles, les figures grossies, augmentées et matérielles rôdent autour/dans un paysage infiniment petit, représenté dans un coin du plateau par quelques arbres miniatures, soumis à des intempéries toutes aussi minuscules.

Entre plaisir de la forme et surprise induite par l’étrangeté des situations et du cadre, Ermitologie réussit le pari d’une poésie absolue de la représentation, tant la perfection formelle des objets flatte le regard. Fascinante, la simplicité des mouvements, des déplacements et des interactions insiste sur les qualités esthétiques des figures et des postures, laissant la part belle à la rutilance des formes et à la précision millimétrée des compositions. Par l’assomption d’un spectaculaire minimal, opéré dans une manipulation retenue d’objets, Ermitologie parvient en somme à traiter un sujet des plus baroques d’une façon remarquablement gracieuse et élégante.

Vu au Théâtre Nanterre Amandiers, avec le soutien du Festival New Settings de la Fondation d’entreprise Hermès. Conception, mise en scène, sculptures : Clédat & Petitpierre. Son : Stéphane Vecchione. Lumières : Yan Goda. Régie robot : Yvan Clédat Avec : Erwan Ha Kyoon Larcher, Coco Petitpierre et Sylvain Riéjou. Photo © Yvan Clédat.