Photo Bound web

Bound, Steve Paxton / Jurij Konjar

Par Wilson Le Personnic

Publié le 26 octobre 2015

Grande figure de la danse américaine, Steve Paxton est célèbre pour avoir développé de nouvelles formes de contact improvisation dans les années soixante-dix et pour avoir été un des membres fondateurs du légendaire Judson Dance Theater, groupe aujourd’hui considéré comme fondateur de la danse post-moderne. Lieu Mythique (une église désacralisée) au début des années soixante à Greenwich Village, la Judson Memorial Church a vu passée entre ses murs de nombreux artistes dont Deborah Hay, Trisha Brown, Yvonne Rainer, Lucinda Childs, Simone Forti, Meredith Monk… D’origine Slovène, le danseur et chorégraphe Jurij Konjar a fait ses armes à P.A.R.T.S. à Bruxelles et A notamment été interprète dans Levée des conflits de Boris Charmatz. Il se réapproprie les gestes de Steeve Paxton d’après des enregistrements vidéos de Variations Goldberg. Paxton lui confie aujourd’hui la reconstruction de Bound (1982), pièce charnière dans l’oeuvre du chorégraphe américain.

Seul sur le plateau, Jurij Konjar fait revivre le solo de Steeve Paxton plus de trente ans après sa création. Un carton tenu par des bretelles autour du bassin, des lunettes de soleil et un bonnet de bain pour seuls accessoires, la figure un peu cocasse de Jurij Konjar contraste avec l’imaginaire d’une danse post-moderne et d’après guerre. Disposés sur le sol autour de lui, un rétroprojecteur sur roulette et quatre planches de bois aux tranches colorées sont les seuls éléments d’une typographie abstraite, manipulable et transformable. Un construction hétéroclite constituée de sons, de vidéos et d’objets au milieux desquels le danseur évolue entre partition écrite et improvisation. Il dialogue avec des images (des motifs de camouflage) et des objets sans liens apparents (un rocking-chair et un landau à bascule…).

Règne dans la salle un silence quasi religieux, impossible de regarder Bound sans y voir la figure volubile de Steeve Paxton. On reste suspendu aux mouvements du danseur, comme absorbé par cette écriture insaisissable qui oscille entre le passé et le présent. Radicale il y a plus de trente ans, Bound brille aujourd’hui par son aspect quasi annonciateur, fantasme d’une époque sur laquelle la danse contemporaine s’est construite.

Vu au Théâtre des Abbesses, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. Chorégraphie Steve Paxton. Avec Jurij Konjar. Photo Jurij Konjar.