Photo © Marc Ginot

Rodrigo Garcia «L’imagination est l’acte de rébellion suprême»

Propos recueillis par Wilson Le Personnic

Publié le 17 août 2017

Pause estivale pour certains, tournée des festivals pour d’autres, l’été est souvent l’occasion de prendre du recul, de faire le bilan de la saison passée, mais également d’organiser celle à venir. Ce temps de latence, nous avons décidé de le mettre à profit en publiant tout l’été une série de portraits d’artistes. Figure établie ou émergente du spectacle vivant, chacune de ces personnalités s’est prêtée au jeu des questions réponses. Ici l’auteur et metteur en scène hispano argentin Rodrigo Garcia (1964).

Dernière saison pour l’actuel directeur du Centre Dramatique National de Montpellier rebaptisé humain TROP humain (hTh) après sa nomination en janvier 2014 : Rodrigo Garcia rendra les clefs du CDN le 31 décembre 2017. Depuis plus de vingt ans, l’artiste se forge une réputation de baroudeur avec une oeuvre inclassable et radicale qui dynamite le théâtre traditionnel. Chacune de ses pièces fait l’effet d’une bombe et ne manque pas de défrayer la chronique à l’instar de son Golgotha picnic (2011) ou encore de la performance Accidens. Il présentera sa prochaine création Evel Knievel contre Macbeth (Na terra do finado Humberto) en novembre prochain à Montpellier.

Quel est votre premier souvenir de théâtre ?

La façade, l’extérieur. Un endroit devant lequel je passais et dans lequel je n’entrais pas ; du fait de ma classe sociale, les lieux que nous fréquentions étaient ceux du travail, mais pas les lieux de loisirs, et encore moins les lieux culturels.

Quels sont les spectacles qui vous ont le plus marqué en tant que spectateur ?

La Classe morte (1975) et Wielepole Wielepole (1980) de Tadeusz Kantor. Yerma (1973) mis en scène par Victor García. Mais surtout une petite pièce que j’ai vue dans un théâtre alternatif de Buenos Aires, dans les années 80, qui s’appelait Movitud Beckett, une pièce sans parole, seulement des corps qui faisaient des mouvements incroyables. Les précédentes pièces de Kantor et García, je pouvais parvenir à les comprendre, à saisir comment elles étaient construites, mais cette pièce, non, je ne comprenais pas comment ils arrivaient à faire ça techniquement… Ça m’a fasciné.

Quel est votre souvenir le plus intense en tant que metteur en scène ?

La peur. Montrer au public le résultat de mes recherches. Sentir que ce n’est pas bien, que mon travail n’est jamais bien.

Quelles oeuvres composent votre panthéon personnel ?

Je ne fais pas du théâtre une religion. Je ne glorifie rien, ni même l’amour. Mon panthéon personnel est une route ; j’aime prendre la voiture et faire des kilomètres, pour aller manger ou dormir quelque part. Mais si je dois nommer une pièce importante pour moi, je citerais l’une des deux premières pièces longues de Jan Fabre, Le pouvoir des folies théâtrales (1984), et C’est du théâtre comme c’était à espérer et à prévoir (1982).

À vos yeux, quels sont les enjeux du théâtre aujourd’hui ?

Le théâtre n’existe pas, il y a des personnes qui font des pièces de théâtre, et pour chacun le théâtre est quelque chose de différent. Pour moi c’est un lieu pour l’imagination, pour la fiction, pour me proclamer ennemi de la réalité. L’imagination est l’acte de rébellion suprême.

À vos yeux, quel rôle doit avoir un artiste dans la société aujourd’hui ?

Dépasser le narcissisme. Après ça, servir pour quelque chose et pour quelqu’un.

Photo © Marc Ginot