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Fanny de Chaillé, quand langage rime avec image

Propos recueillis par Wilson Le Personnic

Publié le 20 octobre 2014

Avec Le Groupe, la chorégraphe et metteure en scène Fanny de Chaillé réunie quatre fidèles interprètes et s’empare de La Lettre de Lord Chandos de Hugo von Hofmannsthal en offrant une étonnante (re)lecture du texte de l’écrivain autrichien. Créé il y a quelques semaines à l’Espace Malraux – Scène nationale de Chambéry et de la Savoie où elle est artiste associée, la pièce est aujourd’hui présenté au Centre Pompidou dans le cadre du festival d’Automne à Paris.

Votre nouvelle création Le Groupe a pour point de départ La Lettre de Lord Chandos de Hugo von Hofmannsthal, écrit en 1902. Dans un entretien avec Eve Beauvallet, vous lui confiez que ce texte vous suit depuis vos 19 ans, pourquoi s’en emparer aujourd’hui ?

Etonnamment j’avais oublié ce texte. Il y a deux ans, pour un projet au Centre Pompidou nommé La Clairière,  je suis retombée dessus par hasard, je l’ai fait lire à un acteur et il m’est apparu évident qu’il fallait que j’en fasse quelque chose. Ce texte est un des plus beaux textes que je connaisse sur le langage ou plus précisément sur le rapport que l’homme entretient avec la langue.

Coloc mettait déjà en jeu des danseurs avec des cartons sur lesquels était inscrit des mots ou des fragments de phrases du poète Pierre Alféri. Comment avez-vous « manipulé » le texte d’ Hugo von Hofmannsthal dans Le Groupe ?

Je ne manipule pas les textes, je m’en sers comme la base d’une réflexion pour la fabrication d’une forme pour la scène. Le vrai tour de force du groupe était justement de faire groupe à partir d’une parole singulière celle d’une lettre, un texte écrit à la première personne et destiné à la page et non pas à la scène. Dans ce texte, il est question en premier lieu d’un renoncement, Chandos renonce à toute activité littéraire et paradoxalement, déploie un texte « incroyable » sur le langage, « incroyable » du point de vue de la forme mais aussi du fond. Il s’agissait pour nous de rendre audible cette parole poétique et de s’en servir pour ré-inventer notre rapport à la langue, et par là, à la scène, celle du théâtre.

La plasticienne Nadia Lauro signe une nouvelle fois la scénographie de votre pièce. Pouvez vous nous expliquer comment s’est déroulée cette nouvelle collaboration ?

Comme toujours avec Nadia, nous discutons toutes les deux en amont de l’espace et puis elle assiste aux répétitions et fabrique une maquette qu’elle me soumet. Je ne travaille pas dans l’espace, il arrive assez tard en général. Pour ce spectacle, nous avons décidé très tôt de travailler de nouveau à partir d’une boîte en carton comme nous l’avions fait pour ma précédente pièce Je suis un metteur en scène japonais. Le principe scénographique est l’idée d’une boîte, scène, valise qui se développe sur une série avec pour chaque spectacle une boite spécifique à la nature du projet. Pour Le Groupe, c’est une enveloppe : celle de la lettre de Chandos.

Vous êtes chorégraphe, pourtant, vos spectacles sont souvent classés dans la catégorie théâtre. Dans son programme, le Festival d’Automne présente également Le Groupe comme une pièce de théâtre.

C’est étonnamment une question que je ne me pose pas. J’invente une forme en travaillant avec des artistes qui sont indifféremment danseurs, acteurs ou musiciens. Je viens plutôt du champ chorégraphique et j’en garde des habitudes de travail. Il est clair toutefois que depuis quelques temps je m’appuie sur des textes pour fabriquer ces formes d’où certainement cette classification. Je fabrique des spectacles pour les théâtres mais pas toujours, j’ai aussi pensé des formes pour l’espace public, des bibliothèques, des galeries, le lieu de diffusion du projet a toujours une grande influence sur la forme qu’il prendra.

Le Groupe. Conception Fanny de Chaillé. D’après la Lettre de Lord Chandos de Hugo von Hofmannsthal. Conception scénographique et costumes Nadia Lauro. Concepteur son Manuel Coursin. Lumières Willy Cessa. Avec Guillaume Bailliart, Christine Bombal, Christophe Ives, Grégoire Monsaingeon. Photo DR.