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Abigaïl Fowler  » Un artiste doit trouver son propre langage, son aire de jeux »

Propos recueillis par François Maurisse

Publié le 30 août 2017

Pause estivale pour certains, tournée des festivals pour d’autres, l’été est souvent l’occasion de prendre du recul, de faire le bilan de la saison passée, mais également d’organiser celle à venir. Ce temps de latence, nous avons décidé de le mettre à profit en publiant tout l’été une série de portraits d’artistes. Figure établie ou émergente du spectacle vivant, chacune de ces personnalités s’est prêtée au jeu des questions réponses. Ici la créatrice lumière Abigaïl Fowler (1984).

Encore à l’Ecole Supérieure des Beaux-arts d’Angers, Abigaïl Fowler commence à travailler avec des danseurs du Centre National de la Danse Contemporaine d’Angers, en tant que plasticienne. Après avoir poursuivi sa formation sur le terrain avec Caty Olive, elle entame des collaborations avec de nombreux acteurs du champ de la danse et du théâtre contemporain, en tant que régisseuse lumière, avec David Wampach, Fanny de Chaillé ou Philippe Quesne, en tant qu’éclairagiste avec Valérie Mréjen, Clara Le Picard, Mickaël Phelippeau, Madeleine Fournier et Jonas Chéreau. Cette année, nous avons pu notamment voir son travail dans Conjurer la peur de Gaëlle Bourges, ou encore L’oeil, la bouche et le reste de Volmir Cordeiro.

Quel est votre premier souvenir de danse ?

Mon petit frère et ma mère qui dansent sur Chic Planète de L’affaire Louis Trio. Les jeunes danseurs hip hop qui squattaient au forum des halles avant sa reconstruction, au dessus de la place Carrée.

Quels sont les spectacles qui vous ont le plus marquée en tant que spectatrice ? 

Mon amour (2008) de Christian Rizzo, Park (1998) de Claudia Triozzi, La création de Vera Mantero avec les étudiants du CNDC en 2007, Souffles (2010) de Vincent Dupont, This is How You Will Disappear (2010) de Gisèle Vienne.

Quels sont vos souvenirs les plus intenses, parmi tous les projets auxquels vous avez collaboré ?

Cette saison, lors des périodes de résidence avec Volmir Cordeiro et avec Gaëlle Bourges pour leurs dernières créations, j’ai vécu des moments forts qu’on pourrait probablement qualifier d’intenses, en tout cas une certitude de ce sentir pleinement intégré dans un processus. Ma collaboration avec Danya Hammoud, tout comme celle avec Madeleine Fournier et Jonas Chéreau, m’ont beaucoup nourrit et amené à réfléchir à une dramaturgie en lumière. Il y a des souvenirs de moments plus précis, comme une création lumière dans une patinoire olympique en plein été et en plein jour avec 35 adolescents orléanais, puis dans l’Eglise des Célestins à Avignon pendant l’hiver avec 20 choristes, avec la créativité et la bienveillance de Mickaël Phelippeau. Ou encore la reprise d’À mon seul désir de Gaëlle Bourges à Avignon ou j’ai fini de créer les lumières de la scène finale jour après jour avec un public qui adhérait à la pièce de plus en plus. Et puis lorsqu’on a joué Sous-Titre de Madeleine Fournier et Jonas Chéreau à Valenciennes le lendemain des attentats du 13 novembre 2015, on était tristes, on avait peur, c’était très chargé, mais il fallait le faire.

Quelle collaboration artistique a été la plus importante dans votre parcours ? 

Je ne peux pas vraiment répondre à cette question, j’ai eu beaucoup de chance en ayant de très belles collaborations artistiques avec de très bons artistes. Chaque création est toujours importante à la fois au moment où j’y participe, tant dans sa préparation puis pendant les résidences mais aussi après dans sa résonance, dans le souvenir que j’ai d’elle. Même si je vais d’un projet à un autre complètement différent, j’arrive toujours un peu chargée du précédent. Puis il y a un moment où celui-ci s’impose naturellement, et alors l’écriture peut commencer.

Quelles oeuvres chorégraphiques composent votre panthéon personnel ?

Love (2003) de Loic Touzé, Big bang (2010) et la Mélancolie des dragons (2008) de Philippe Quesne, enfant (2011) de Boris Charmatz, Quatorze (2007) de David Wampach, Germinal (2012) d’Antoine Defoort et Halory Goerger, Guintche (2010) de Marlène Monteiro Freitas.

À vos yeux, quel rôle doit avoir un artiste dans la société aujourd’hui ?

Le rôle qu’il s’est définit pour lui même. Certains ont envie d’ébranler le monde, d’autres de le faire réfléchir ou sourire, d’autres de faire partager une expérience… Il y a de la place pour tout cela. Je pense que vouloir être sur tous les fronts n’est pas forcément juste et peut même devenir dangereux. Un artiste doit trouver son propre langage, son aire de jeux. Ce qu’il faut alors c’est qu’il soit soutenu, car il s’expose énormément.  

Photo © Antoine de Gromard