Photo © Gerhard F. Ludwig

SunBengSitting, Simon Mayer

Par François Maurisse & Wilson Le Personnic

Publié le 5 juillet 2017

Né en 1984, le chorégraphe, danseur et musicien autrichien Simon Mayer a étudié la danse à l’École du Ballet de l’Opéra national de Vienne et à P.A.R.T.S. à Bruxelles. Notamment interprète pour Anne Teresa De Keersmaeker, Wim Wandekeybus et Zita Swoon, il signe depuis maintenant quelques années ses propres créations. Ces recherches sont à mi-chemin entre la danse contemporaine, les danses issues du folklore autrichien, la musique électronique et les chants traditionnels yodel. En témoigne ses deux créations SunBengSitting (2014) et Sons of Sissy (2015) qui tirent chacune leurs genèses dans cet héritage vernaculaire. Après y avoir présenté la saison dernière le quatuor Sons of Sissy, l’artiste viennois était de nouveau invité par le Centre National de la Danse à Pantin, dans le cadre de la nouvelle édition de Camping, à présenter son solo SunBengSitting.

L’odeur de l’encens et du palo santo embaume déjà la salle à l’entrée des spectateurs. Les premières minutes de la pièce s’écoulent dans le noir le plus total. Peu à peu, le silence est brisé par des bruissements d’oiseaux, des chants d’insecte, les craquements du bois, transportant le public loin de la ville, au coeur d’une campagne ou d’une forêt un soir d’été. La silhouette de Simon Mayer apparaît au fur et à mesure que la lumière se fait : le danseur est entièrement nu au centre du plateau vide.

Épuré de tout élément superflu, le chorégraphe va puiser et dépouiller les gestes et les habitudes issues du folklore de sa région d’origine (la Haute Savoie) afin de rendre leur dimension performative. En plus de la chorégraphie, l’artiste réalise également en direct la bande sonore du spectacle à partir d’objets qu’il va manipuler sur le plateau : le son produit par chaque action et chaque mouvement est enregistré, samplé et mixé en direct. À l’exemple d’un très long fouet qu’il fait tournoyer au dessus de sa tête avant de le faire claquer (en Haute Savoie, les superstitieux utilisent des fouets pour chasser les mauvais esprits dans l’air), le rythme d’une marche sur le sol du plateau, l’archet sur les cordes du violon, les allers-retours d’une scie sur un épais rondin de bois, etc.

À l’instar de Sons of Sissy, Simon Mayer décortique et épuise les gestes traditionnels jusqu’à en effacer les origines mêmes. Ainsi le schuhplattler, cette danse principalement pratiquée par des hommes en Haute-Bavière, qui consiste à une sorte de ronde, les pieds frappant le sol, les mains claquant entre elles ou contre les cuisses est transposée ici dans une version dénudée : seul au centre du plateau, en silence, Simon Mayer nous en fait une virtuose démonstration, sa peau rougissant petit à petit sous les gifles. Cette danse répétitive, faites de tours sur place façon derviche, les bras écartés, de marches, de courses et de sautillements semble éprouvante lorsqu’elle est répétée jusqu’à l’épuisement. À l’aide d’une tronçonneuse, il s’attèle dans une dernière séquence à la construction de son « Sunbeng », banc rudimentaire qu’on retrouve devant certaines maisons en Suisse (dans le dialecte haut-autrichien : le banc au soleil) sur lequel il peut finalement s’accorder un temps de repos, bien mérité.

Avec cette performance, Simon Mayer s’engage dans une pratique chorégraphique assumant sa part rituelle, tout en cultivant une part de surprise et d’humour. SunBengSitting agit comme une séduisante pièce d’initiation, d’apprentissage, qui permet à l’artiste d’interroger sa propre filiation et sa relation au territoire d’où il vient.

Vu au Théâtre du Fil de l’eau à Pantin. Conception, interprétation et musique Simon Mayer. Son et live-loop Pascal Holper. Lumières Lucas Gruber, Hannes Ruschbaschan. Conseil artistique Frans Poelstra. Photo © Gerhard F. Ludwig.