Photo Patrick Imbert

Mass B, Béatrice Massin

Par Céline Gauthier

Publié le 14 mars 2016

Mass B se présente comme une pièce ludique, où la simplicité des formes inspirées par l’esthétique baroque est sculptée par la jeunesse démonstrative des interprètes, mise en scène dans une chorégraphie géométrique et rigoureuse.

La scène s’ouvre sur un monde intriguant, un espace clos, utopique : le plateau est entièrement nu, seulement encadré par trois panneaux faiblement lumineux. Les danseurs traversent de quelques pas le plateau, prennent leur élan et se laissent glisser, puis dans le même élan se redressent et chutent encore. Ils se rencontrent parfois dans les bras l’un de l’autre, et parcourent jusqu’à l’épuisement la scène circulaire, aux frontières des coulisses dans lesquels ils ne se glissent jamais. Ils semblent ne pouvoir se soustraire au regard du public, alors même qu’ils se reposent un instant en bordure du plateau ; une sensation de confinement encore accentuée par la pénombre qui souligne les silhouettes sans les dévoiler.  La musique baroque qui s’élève peu à peu, lente et solennelle, rencontre l’écho ténu du frôlement des pieds nus ; le chant demeure pour nous lointain, presque un écho qui enrobe la scène d’une aura lyrique et sacrée.

On est charmé par la douceur des gestes et le calme apparent des danseurs, leurs pointes de pieds tendues sans effort et leurs bras à peine courbés vers leurs poignets souplement ployés. Un sens de l’équilibre et de la mesure  visible encore lorsqu’ils s’approchent du sol, l’effleurent d’un doigt sans s’y livrer. À l’avant-scène, une sculpture composée de deux blocs sombres sur lesquels les danseurs se hissent ou s’assoient ; lorsque tout le groupe s’immobilise, baigné d’une douce lumière rehaussée de leurs costumes aux tons pastels, prend forme sous nos yeux l’esquisse d’une composition picturale. Une danseuse se détache du groupe et timidement explore la pénombre, le plateau vide délaissé au silence. Brusquement la luminosité augmente, la musique se fait plus présente et la danse s’enhardit de grands fouettés et de sauts ludiques d’où se dégage une énergie juvénile et tendre qui rejaillit en cris de joie et querelles feintes.

La réminiscence dans les corps de la gestuelle baroque chère à Béatrice Massin donne à la danse une coloration particulière : chaque mouvement semble délicatement naître de la pulpe des doigts,  et c’est dans précisément dans l’immobilité apparente de leurs bustes qu’ils puisent la force, la présence et l’énergie joyeuse des longues farandoles où tous joignent leurs mains, des grands défilés à la Pina Bausch où s’éprouve l’euphorie collective. On demeure envoûté par la pureté des lignes du corps et l’extrême précision du jeu de jambe, ordonné par d’infinis tracés obliques à la croisée desquelles les danseurs se rencontrent et sourient, des rondes lors desquels les danseurs ne nous font jamais face, et semblent ainsi toujours prêts à nous surprendre. Mass B se propose comme une succession de petites pièces, de brefs instants où s’éprouve le sentiment d’un mouvement perpétuel dans lequel l’intensité musicale et lumineuse varie pour exprimer la gamme complexe des tonalités corporelles. Un microcosme au rythme exaltant.

Vu au Théâtre National de Chaillot. Conception et chorégraphie Béatrice Massin. Scénographie Frédéric Casanova. Avec Lauren Bolze, Lou Cantor Benjamin Dur, Rémi Gérard, Philippe Lebhar, Marie Orts, Édouard Pelleray, Bérangère Roussel, Chloé Zamboni et Thalia Zilitotis. Photo Patrick Imbert.