Photo Hot bodies©Gerald Kurdian copy

Hot Bodies – Stand Up, Gérald Kurdian & Trk_x

Par Marika Rizzi

Publié le 31 janvier 2018

Artiste musicien Gérald Kurdian a étudié les arts visuels à l’École supérieur d’Arts de Paris-Cergy, il intègre ensuite la formation EX.E.R.CE. à Montpellier à sous la direction de Mathilde Monnier et Xavier Le Roy. Ses objets spectaculaires témoignent de savoirs-faire hétérogènes qui permettent à l’artiste de varier les registres et de créer des univers hétéroclites. Sa création Hot Bodies – Stand Up présenté au Centquatre-Paris dans le cadre du Festival Les Singuliers #2 est un objet pluriel qui s’inscrit dans un projet plus large, Hot Bodies of the Future venant questionner les micropolitiques queer et les formes alternatives de sexualités.

Multiple dans son approche – medium visuel, musical en mode concert, plastique aussi – la performance invite à déplier le territoire corporel, à en découvrir les facettes et les chemins telle une carte heuristique dans le paysage du genre. Démultiplier les procédés dans la représentation spectaculaire et ainsi inciter à abandonner un système à équation unique, élargir le schéma de représentation collective en envisageant la réalité des diverses orientations possibles. Entre fable loufoque et concert pop-techno, Hot Bodies – Stand Up propose un voyage dans un monde qui s’invente, qui se détache de repères normés et fait de la sexualité et/ou du genre un outil de résistance et d’émancipation.

Seul sur le plateau, Gérald Kurdian s’assure que son public est au complet avant de lui souhaiter la bienvenue et le remercier de sa présence. Introduction faite, le musicien-performeur entame un récit auto-fictionnel dont les marges avec le réel restent poreuses. Riche en détails volontairement absurdes et décalés, les péripéties de l’artiste prennent origine d’une question aux tenants véridiques. Intrigué par une inscription taguée sur un mur il part à la quête de ce que l’appellation « fucko » peut vouloir indiquer  : suivant en colonne un carré nommé « male » et un deuxième nommé « female », le carré coché « fucko » désigne bien un nouveau genre. La projection sur un écran du tag en question est la première de toute une série d’images qui viennent illustrer le déroulé de cette fiction semi documentaire.

Dans sa quête, l’artiste fait part de sa rencontre foudroyante avec Terek X (ou Trk_x) dans une soirée trans et avec lequel l’aventure sexuelle sera inévitable. S’ensuit un diaporama, hommage à la mère du performeur, qui montre des parties du corps de l’amant irrésistible ; une jambe, un bout de torse, la raie des fesses, un sexe qui se dévoile de derrière un rideau blanc. Ce dernier entraine Gérald à une éco-party dans une forêt en banlieue où ils retrouvent un jeune trans précédemment croisé. Leurs sens découvrent des nouveaux essors en rapport direct avec les éléments de la nature : l’amour est décidément une expérience aux propriétés exponentielles. Après, ou peut-être grâce à une jouissance spectaculaire, cette rencontre apporte une réponse plausible aux questionnements de l’auteur : « la nature est soeur », « tout est soeur ». Cela viendrait définir ce nouveau genre, serait-il la représentation d’une nouvelle façon d’aimer en étant en symbiose avec un tout, l’autre, le monde ?

Le programme de l’artiste œuvre en effet dans le sens du commun. En maître de cérémonie il s’expose autant qu’il rassemble son audience  autour d’expériences sensorielles, comme celle à l’aide d’une boule en pâte rose et malléable accrochée à certains sièges. Le performeur invite les spectateurs à jouer avec ce «  modèle d’organe de plaisir  ». Le saisir et l’envisager comme le «  réceptacle de toutes les mémoires de peaux  touchées », lui donner forme pour ensuite venir le déposer aux pieds d’une plante impudique parce qu’impossible à vêtir. Ce rituel est accompagné d’une chanson d’amour que le performeur musicien a certainement composé pour l’occasion.

Après une succession d’images pour la plupart intimes, le croisement d’éléments constitutifs d’enjeux de revendication sexuelle, des hymnes à la beauté du corps, un clito-manifesto, des remerciements aux ami.e.s lui ayant sauvé la vie à plusieurs reprises, les applaudissements, Gérald Kurdian offre un bis à son concert-performance. Assis au piano dos au public, il joue face à un petit écran montrant un « double-rainbow » commenté par une voix en extase face à ce sublime produit du ciel. Sur le grand écran défile un deuxième diaporama  montrant divers personnages au maquillage extravagant et robes de fête. Sujets féeriques peuplant l’univers nocturne des soirées queer, ils offrent une dimension poétique et sensible qui vient clore l’aventure hautement délirante par laquelle l’artiste militant Gérald Kurdan a dérivé pour toucher à des questions sociales et politiques.

Vu au Centquatre-Paris dans le cadre du Festival Les Singuliers #2. Photo © Gérald Kurdian.