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Dub Love, Cecilia Bengolea & Francois Chaignaud

Par Sibylle Tailler

Publié le 2 juin 2015

Dub Love est issu de la collaboration des chorégraphes François Chaignaud et Cecilia Bengolea avec le DJ de dub réunionnais High Elements. Tandis que ce dernier est à ses platines dans un coin de la scène, les deux interprètes, accompagnés de la danseuse Ana Pi, évoluent sur le plateau au rythme de la musique, enchaînant les solos ou les mouvements à deux ou trois.

Pour tout décor, se dressent à l’arrière de la scène de grandes enceintes empilées les unes sur les autres. Les danseurs portent des académiques qui évoquent ceux de Cunningham. La simplicité de ces costumes couleur chair qui épousent le corps le donne à voir dans son aspect le plus brut tout en l’épurant. Chacun porte un ornement doré, chatoyant autour du poignet ou autour du cou.

On assiste ici à une véritable performance. Les trois danseurs portent en effet des pointes classiques et proposent un travail où la douleur est omniprésente. Les corps sont sans en tension, les muscles tremblent. Qu’ils s’agissent de maintenir une posture figée intenable, de répéter un infime mouvement ou de traverser le plateau sur pointes et courbé en deux, la résistance et les limites du corps sont en jeu. Loin de passer inaperçu, l’effort est au contraire particulièrement – et volontairement – visible.

Ce spectacle s’appuie ainsi sur la confrontation des contraintes de la danse classique – matérialisées par les pointes – et de l’apparente plasticité de la musique dub, due à sa grande part d’improvisation. Leur danse, qui semble comme entravée par les pointes, contraste avec la danse souple, libre et festive qui accompagne habituellement les concerts de dub. Malgré cela, elle se rapproche de la transe et traduit l’impression paradoxale d’échapper à son enveloppe corporelle tout en étant ancré physiquement et individuellement dans le rythme de la musique.

Cela est certainement permis par le fait que chaque danseur impose son propre style, son rôle, ce qui transparaît d’autant plus à la fin du spectacle quand chacun des interprètes s’empare successivement du micro pour scander / chanter un texte avant de laisser la musique envahir, seule et enveloppante, le plateau et la salle.

Vu au Centre Pompidou. Conception : Cecilia Bengolea. Composition & interprétation : Ana Pi, François Chaignaud et Cecilia Bengolea. Collaboration chorégraphique hip-hop : Ange Koué. MC sur scène : High Elements. SoundSystem : Revelation. Photo de Pascal Victor.