Photo Phia Menard

Belle d’Hier, Phia Ménard

Par Wilson Le Personnic

Publié le 9 octobre 2015

La transformation plastique et physique est au cœur de la recherche de Phia Ménard entamée en 2008 avec la première pièce du Cycle de Glace P.P.P. (pour Position parallèle au plancher ) suivie par Black Monodie avec Anne-James Chaton en 2010. S’en suit les pièces dites de vent avec L’après-midi d’un foehn, magnifique ballet aérien avec des sacs plastiques, et Vortex en 2011, spectacle à couper le souffle dans lequel la chorégraphe se métamorphose littéralement encerclée par de puissants ventilateurs. Autant de solos où la Phia Ménard convoque les éléments face auxquelles la lutte du corps est salvatrice.

Dans Belle d’Hier, nouvelle création de la cie non nova, Phia Ménard trouve une nouvelle forme d’incarnation par la procession d’un groupe de cinq jeunes femmes aux allures de princesses guerrières. Sous-jacent dans l’ensemble de ses dernières créations, cette question de l’identité, et plus particulièrement cette notion de genre qui est propre à l’auteure, s’efface ici dans une histoire collective. Les interprètes se déplacent au pas, dans une marche quasi militaire, et s’affairent à construire et déconstruire une scénographie qui ne cesse d’évoluer du début à la fin du spectacle. Sorties d’une grande pièce frigorifique, une vingtaine de sculptures – des silhouettes de tissus gelés qui s’apparentent à la mort sans visage – forment un champ de figures inhumaines. On assiste peu à peu à la fonte de la glace, les vêtements perdent leurs formes, s’avachissent et succombent au temps qui passe. Dans un rituel hiérarchisé, les costumes seront ensuite démontés, lavés, battus, étendus, avant de disparaitre avec les interprètes dans un épais brouillard…

Dans la continuité de ses précédentes pièces, Phia Ménard poursuit son exploration de la plasticité instable des éléments et on ne peut que saluer ce travail qui reste fascinant par son extreme radicalité. Cette performance, d’une incroyable beauté contemplative, est le premier volet d’un nouveau cycle, intitulé Pièces d’eau et de vapeur, qui s’annonce déjà ambitieux.

Vu au Théâtre de la Ville à Paris. Idée originale et scénographie Phia Ménard, dramaturgie et mise en scène Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault. Compositon sonore Ivan Roussel. Lumière Alice Rüest. Photo Jean-­Luc Beaujault.