Photo François Stemmer

Auguri, Olivier Dubois

Par Wilson Le Personnic

Publié le 31 mars 2017

Dernière création d’Olivier Dubois en tant que directeur du Ballet du Nord – CCN de Roubaix, Auguri fait suite au désormais célèbre Tragédie (2012) et vient clore une trilogie intitulée Étude critique pour un trompe l’œil débutée en 2009 avec Révolution, pièce pour 14 danseuses, suivie par le solo Rouge (2011) interprété par Olivier Dubois himself. Avec Auguri, le chorégraphe continue d’explorer les possibilités synergiques du groupe et entraine avec lui une vingtaine de danseurs dans un tourbillon chorégraphique à en perdre haleine.

Dans la pénombre du plateau une première figure apparait dans un liseré de lumière. Ses cheveux rouges nous permettent aussitôt de reconnaitre la danseuse Karine Girard, interprète mémorable des précédentes pièces d’Olivier Dubois. Sa silhouette, qui venait conclure le spectacle Tragédie, ouvre ici Auguri et fait le lien entre les deux pièces gémellaires. Dans un jeu de clair obscur, la vingtaine de danseurs apparaît et disparaît alors chacun leur tour derrière des architectures évidées. L’imposant décors minimal – quatre grands caissons sont harnachés aux cintres par de longs câbles métalliques tendus qui s’entrecroisent – qui occupe le fond de scène catapulte tour à tour les danseurs sur le plateau avant de les aspirer de nouveau.

Après avoir épuisé le motif de la rotation dans Révolution et celui de la marche dans Tragédie, Olivier Dubois pousse une nouvelle fois les limites physiques de ses interprètes : cette fois ci à travers le motif de la course. La chorégraphie d’Augurie est, comme à l’accoutumée chez Dubois, une épreuve d’endurance, semblable à un marathon auquel aucun participant ne peux renoncer. Des trajectoires semblables au parcours d’un boomerang lancé avec force dans l’espace. Accompagnés par le rythme assourdissant de la musique de François Caffenne et des lumières sculpturales de Patrick Riou, les 22 danseurs sont au service d’une exigeante chorégraphie dont les rouages sont parfaitement mis en branle. Les danseurs surgissent l’un après l’autre, en duo, trio… Des apparitions éclairs qui se répéteront en crescendo jusqu’a devenir un véritable flux tendu de corps en déplacement. Les vagues de corps finissent par remplir le plateau comme un torrent sans fin, des sprints circulaires sous formes de chassés croisés spectaculaires où les danseurs s’évitent et se frôlent de quelques centimètres.

La mise en danger des interprètes pendant ces séquences créée une forme de tension salvatrice (que le philosophie Hubert Godard nommait empathie kinesthésique) qui tient le spectateur en haleine tout du long du spectacle. Mais au delà de cette simple jubilation, et malgré de saisissants tableaux d’une incontestable beauté, Auguri n’est au final qu’une vaine démonstration de force qui tourne à vide. Cette ambitieuse proposition chorégraphique aura cependant le mérite de rassasier la brève appétence des spectateurs en manque d’effervescence corporelle, et nombreux sont-ils, au vu de l’accueil enthousiaste du public parisien.

Vu au Théâtre National de Chaillot. Chorégraphie, scénographie et décor Olivier Dubois. Musique François Caffenne. Lumières Patrick Riou. Photo © François Stemmer.